9.3 Expertises médicales pour les assurances sociales

Lors de la révision de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) au 1er janvier 2022, le législateur a considérablement développé les règles jusqu’alors rudimentaires dans le domaine des assurances sociales.

Les conditions exigées pour pouvoir exercer en tant qu’expert sont nouvelles ; elles prévoient notamment l’inscription au registre des professions médicales, un titre de formation postgraduée, une autorisation de pratiquer et au moins cinq ans d’expérience clinique 1 .

Les assureurs sociaux se chargent d’office d’éclaircir les faits pertinents, c’est-à-dire qu’ils doivent clarifier tous les faits essentiels nécessaires à l’examen du droit aux prestations. Si besoin, les personnes assurées sont tenues de se soumettre à des examens ou à une expertise. Si elles ne le font pas, leur assureur peut prendre une décision sur la base du dossier ou clore l’instruction et prononcer une non­entrée en matière 2 .

À cette fin, les assureurs sociaux demandent entre autres toutes les informations nécessaires sur l’état de santé de la personne assurée, notamment les rapports médicaux des médecins traitants. Si nécessaire, les assureurs sociaux peuvent faire procéder à trois types d’expertises : monodisciplinaire, bidisciplinaire et pluridisciplinaire 3 .

Lorsqu’une expertise est nécessaire, l’assureur communique le nom de la personne chargée de l’expertise à la personne assurée 4 , qui peut la refuser dans les dix jours pour les raisons visées à l’art. 36 al. 1 LPGA et faire des contre-propositions. Cet article dispose que les personnes appelées à rendre ou à préparer des décisions sur des droits ou des obligations doivent se récuser si elles ont un intérêt personnel dans l’affaire ou si, pour d’autres raisons, elles semblent prévenues.

L’une des tâches principales de l’expertise consiste à répondre à des questions concernant la causalité. L’exemple de l’assurance­accidents permet de comprendre ce que l’on entend par causalité : l’assureur s’enquiert tout d’abord de savoir s’il y a un dommage – et si ce dommage est la conséquence naturelle d’un accident (causalité naturelle) ; il s’agit de déterminer si, sans cet accident, le dommage ne serait pas survenu, ou n’aurait pas eu lieu de la même manière ou au même moment  5 .

En matière d’appréciation de la causalité naturelle, le degré de preuve appliqué dans le droit des assurances sociales est celui de la vraisemblance prépondérante 6 . Lorsqu’on doit trancher entre deux ou plusieurs possibilités, l’état de fait vraisemblablement prépondérant est attribué à celui le plus susceptible de s’être produit. Selon la définition littérale du Tribunal fédéral, une preuve est considérée comme établie selon le critère de la vraisemblance prépondérante lorsque, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident en faveur de son exactitude, sans que d’autres possibilités n’entrent raisonnablement en considération 7 .

En outre, l’assurance­accidents exige un rapport de causalité adéquate pour verser ses prestations 8 . Il faut donc examiner si le dommage n’est pas survenu seulement dans le cas examiné, mais s’il se serait aussi produit selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie. Toutefois, le rapport de causalité adéquate est une question juridique et constitue une notion qui ne doit pas être utilisée dans les explications fournies par les médecins 9 .

Une autre nouveauté importante suite à la révision de la LPGA concerne les enregistrements sonores dans le cadre des expertises médicales 10 . Selon la loi, les entretiens entre personnes assurées et experts doivent faire l’objet d’un enregistrement sonore et être conservés dans les dossiers de l’assureur 11 . Cette disposition est concrétisée dans l’ordonnance 12 . Les entretiens, respectivement les enregistrements sonores, doivent comprendre l’ensemble de l’entrevue de bilan. Les personnes assurées sont informées par leur assureur que l’entretien fera l’objet d’un enregistrement sonore ; elles peuvent déclarer par écrit avant l’expertise ou jusqu’à dix jours après l’entretien qu’elles renoncent à un enregistrement sonore ou demandent sa destruction 13 .

Dispositions spéciales pour les expertises destinées à l’AI

Les questions posées dans le cadre de l’assurance-invalidité (AI) sont plus complexes que dans le cadre de l’assurance-accidents. L’expertise est déterminante pour le traitement des cas par l’office AI, tant dans la procédure de réadaptation que pour l’examen du droit à la rente et des révisions de rente.

Alors qu’une partie de la révision de 2022 concerne toutes les expertises relevant de la médecine d’assurance, certaines dispositions spéciales ne s’appliquent qu’à l’AI 14 . Seuls les centres d’expertises médicales liés à l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) par une convention sont habilités à établir des expertises bidisciplinaires ou pluridisciplinaires à l’intention des offices AI 15 . Afin de promouvoir une plus grande indépendance et de limiter la liberté de choix des offices AI 16 , les mandats d’expertises bidisciplinaires et pluridisciplinaires doivent être attribués de manière aléatoire au moyen de la plateforme électronique « SuisseMED@P » 17 . Cette plateforme avait déjà été introduite le 1er mars 2012 pour les expertises pluridisciplinaires. Depuis la révision de la LPGA, les offices AI peuvent donc attribuer librement uniquement les expertises monodisciplinaires 18 . Enfin, l’OFAS doit publier chaque année une liste des médecins ayant été mandatés pour des expertises AI 19 .

1

Art. 44 al. 7 let. b LPGA ; art. 7m OPGA.

2

Art. 43 al. 3 LPGA.

3

Art. 44 al. 1 let. a-c ATSG.

4

Art. 44 al. 2 LPGA.

5

Cf.  Ulrich Meyer, Die Zusammenarbeit von Richter und Arzt in der Sozialversicherung, BMS 1990;26:1090–94. 

6

Dans un procès en responsabilité médicale, le degré de preuve de la vraisemblance prépondérante est aussi applicable à la causalité naturelle entre la violation (établie) du devoir de diligence et le dommage allégué. Cf. Regina E. Aebi-Müller, Die Dokumentationspflicht des Arztes, Haftpflichtprozess 2016, p. 33 ss, avec d’autres références.

7

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_397/2008 du 23 septembre 2008 : dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a considéré qu’une vraisemblance de 51 % seulement ne suffisait pas à fonder une « vraisemblance prépondérante ». Il n’a toutefois pas indiqué le pourcentage à partir duquel cette dernière devrait être admise.

8

Concernant la notion de causalité, cf. Gabriela Riemer-Kafka, Expertises en médecine des assurances, 3e édition, Berne 2018, p. 103 ss. 

9

Dans le cadre d’un procès en responsabilité médicale, la justification d’une prétention nécessite également un déroulement causal adéquat, qui n’est toutefois pas examiné par l’expert, mais par le juriste.

10

Ces dispositions ne s’appliquent qu’aux expertises relevant du droit des assurances sociales (assurance-invalidité, assurance-accidents et assurance militaire, assurance d’indemnités journalières en cas de maladie selon la LAMal), mais pas dans le cadre d’indemnités journalières selon la LCA ni pour les expertises dans le domaine de la responsabilité civile et des assurances privées.

11

Art. 44 al. 6 LPGA.

12

Art. 7k al. 1 OAPG.

13

Cf. Bruno Baeriswyl, Iris Herzog-Zwitter, Verena Pfeiffer, Reinhold Sojer, Gerhard Ebner, Comment faut-il établir désormais les expertises médicales? , BMS 2021;102 (51-52):1709-1712. Cf. Iris Herzog-Zwitter, Bruno Baeriswyl, Reinhold Sojer, Ce qu’il faut savoir à propos des enregistrements sonores, BMS 2022;103(29-30):926-928. 

14

Neuerungen bei Begutachtungen in den Sozialversicherungen, Corinne Zbären-Lutz, Ralf Kocher in: Ueli Kieser (Hrsg.) November-Tagung zum Sozialversicherungsrecht 2021. Knacknüsse im Verfahren - und wie Knacknüsse geöffnet werden. Blick auf schwierige verfahrensrechtliche Fragen.

15

Art. 72bis al. 1 Règlement sur l’assurance-invalidité (RAI).

16

Cf. arrêt de principe ATF 137 V 210.

17

Cf. Art. 72bis al. 2 RAI.

18

Cf. Gabriela Riemer-Kafka, Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, 8e édition, Berne 2022, p. 333. 

19

Art. 41b RAI


Dernière mise à jour le 22.04.2025

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