7.7 Rapports aux assurances sociales

Les assureurs sociaux ont le droit d’obtenir les informations «nécessaires» pour évaluer le droit aux prestations. Les médecins sont tenus de livrer les informations, sans qu’il soit nécessaire d’avoir été préalablement libéré du secret médical. Ce devoir de renseignement peut être plus ou moins étendus selon le catalogue de prestation de l’assurance en question.

De manière générale, quiconque requiert des prestations auprès d’une assurance sociale « est tenu d’autoriser dans le cas d’espèce les personnes et institutions concernées, notamment les employeurs, les médecins, les assurances et les organes officiels, à fournir les renseignements nécessaires pour établir le droit aux prestations et faire valoir les prétentions récursoires. Ces personnes et institutions sont tenues de donner les renseignements requis » 1 . En plus de cette obligation générale, chaque loi d’assurance sociale (LAMal, LAA, LAM, LAI) prévoit un droit spécifique de l’assureur à être informé, si bien que le secret médical ne peut leur être opposé.

Néanmoins, ce devoir de fournir des renseignements est toujours limité aux informations «dont a besoin l’assureur pour remplir ses tâches 2 ». Ces tâches consistent entre autres à «établir le droit aux prestations, les calculer, les allouer et les coordonner avec celles d’autres assurances sociales; faire valoir une prétention récursoire contre le tiers responsable ou établir des statistiques». 3

La forme et l'étandue de la communication des renseignements à l’assureur dépendra du domaine de l’assurance en question ainsi que du type d’informations demandées. Souvent l’assureur demandera au médecin une facture détaillée ou un formulaire spécifique, mais la rédaction d’un rapport plus détaillé peut s’avérer nécessaire. Les expertises effectuées dans le cadre des assurances sociales sont soumises à des conditions spécifiques (enregistrement de l’entretien, formation des experts, … ) 4  qui ne font pas l’objet du présent chapitre (voir à ce sujet le chapitre consacré aux expertises 9.3).

Rapports dans l’assurance-maladie

Dans tous les cas, la caisse-maladie a droit à une facture détaillée et compréhensible contenant les diagnostics et les procédures sous forme codée selon les classifications officielles. Elle a également droit aux indications nécessaires lui permettant de vérifier le calcul de la rémunération et le caractère économique de la prestation et peut exiger des renseignements supplémentaires d’ordre médical 5 . La question de savoir de quelles informations la caisse-maladie a effectivement besoin et qui a le droit de les examiner au sein de la caisse-maladie dépend des questions concrètement posées:

  • S’il s’agit d’examiner l’indication médicale d’un traitement, il revient au médecin­-conseil de décider de ce que la caisse-maladie a besoin de savoir 6 . Il ne transmettra aux autres organes de la caisse-maladie que les informations dont ils ont besoin pour remplir leurs tâches légales. 7
  • Si le patient l’exige, le médecin traitant est tenu de ne fournir les indications d’ordre médical qu’au médecin-conseil. Lorsque la caisse-maladie demande des renseignements médicaux supplémentaires, elle doit informer le patient de cette possibilité 8 .
  • Selon le Tribunal fédéral, la caisse-maladie a aussi le droit de demander des documents pour son médecin­conseil à des fins de contrôle par sondages. Dans le cas d’espèce, il s’agissait de rapports sur les soins et le contrôle des signes vitaux dans un home médicalisé. Pour contrôler le caractère économique des prestations dans un établissement médico-social, la caisse-maladie peut ainsi exiger du fournisseur qu’il lui remette les documents permettant d’évaluer le niveau des soins requis, à savoir ceux afférents au rapport de soins et au contrôle des signes vitaux. Dans le cas présent, une motivation individuelle n’était pas nécessaire pour fonder la demande de remise des documents. 9 La question de la proportionnalité du traitement des données doit être examinée dans chaque cas individuel. Par ailleurs, la caisse-maladie peut demander uniquement ce dont elle a concrètement besoin pour sa vérification.
  • En revanche, s’il s’agit de déterminer la compétence de l’assurance-maladie, p.ex. vis-à-vis de l’assurance­-accidents ou responsabilité civile,  la caisse-maladie doit pouvoir obtenir pratiquement les mêmes informations que l’assureur LAA. Les assurances sociales examinent leur compétence d’office. 10
  • Le Tribunal fédéral a décidé que le médecin-­conseil pouvait aussi demander à un médecin tiers de lui remettre une prise de position objective. Pour ce faire, il n’est, sauf exceptions, pas tenu d’en informer préalablement l’assuré ni d’obtenir l’accord de ce dernier. 11  

Médecins-conseils en tant que filtre

Les médecins-conseils conseillent les caisses-maladie en cas de questions médicales techniques et de questions relatives à la rémunération et à l’application des tarifs. Ils examinent en particulier les conditions auxquelles est liée l’obligation de la caisse-maladie de fournir une prestation 12 . Les médecins-conseils n’ont toutefois pas la possibilité de décider de la prise en charge, cette compétence reste une prérogative de la caisse-maladie 13 .

Le législateur conçoit le médecin-conseil comme une instance indépendante à laquelle ni les caisses-maladie, ni les fournisseurs de prestations ou leurs organisations ne peuvent donner de directives 14 . Si le médecin-conseil doit être indépendant dans ses évaluations, il reste toutefois administrativement rattaché à la hiérarchie de la caisse-maladie qui l’a engagé 15. Dans le cadre de sa compétence d’examiner les conditions de prise en charge des prestations, il lui incombe de contrôler l’efficacité, l’adéquation et l’économicité du traitement au sens des art. 32 et 56 LAMal. «Le contrôle de l’économicité exige, dans le cas concret, d’avoir connaissance du diagnostic, des examens et des traitements effectués, ainsi que du but diagnostique et thérapeutique recherché.» 16

Lorsque les circonstances le justifient, le médecin est autorisé à fournir des informations médicales exclusivement au médecin­-conseil – et il y est tenu dans tous les cas où l’assuré l’exige 17 . Ces informations sont envoyées directement à l’adresse du service du médecin­conseil de la caisse-maladie. Celle-ci doit, de son côté, veiller à ce que ce courrier soit directement réceptionné et ouvert par le service du médecin-conseil, sans détour par d’autres secrétariats ou services administratifs. Santésuisse publiait une liste des coordonnées de tous services de médecin-conseil 18 .  Dans les cas où le médecin­conseil doit approuver à l’avance un traitement 19 , les rapports médicaux devraient aussi être envoyés directement au service du médecin­-conseil sans passer par le département des prestations. «Les médecins­conseils ne transmettent aux organes compétents des assureurs que les indications dont ceux-ci ont besoin pour décider de la prise en charge d’une prestation, pour fixer la rémunération ou motiver une décision. Ce faisant, ils respectent les droits de la personnalité des assurés». 20

Le médecin-­conseil de l’assurance de base est le seul à avoir une fonction de filtre ainsi qu’une qualification et des tâches définies par la loi. Les gestionnaires de cas des assureurs-­maladie agissent dans un cadre qui n’est pas fixé légalement spécifié. Dans certains modèles d’assurance, l’assuré peut autoriser ces gestionnaires de cas à consulter la documentation du médecin-conseil. Toutefois, même en ayant préalablement consenti à un tel système de gestion des cas, l’assuré conserve le droit d’exiger que les informations médicales sensibles ne soient communiquées qu’au médecin-­conseil.

1

Art. 28 al. 3 LPGA.

2

Art. 84 LAMal.

3

Art. 84 let. c, e, et g LAMal. 

4

Voir art. 44 LPGA et art. 7j à 7q OPGA.

5

Art. 42 al. 3, 3ter et 4 LAMal.

6

Arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 7/05 du 18 mai 2006 consid. 4.2.

7

Art. 57 al. 7 LAMal.

8

Art. 42 al. 5 LAMal et 59a al. 5 OAMal.

9

ATF 133 V 359.

10

Art. 35 LPGA.

11

ATF 131 II 413.

12

Art. 57 al. 4 LAMal ; Arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 6/01 du 26 septembre 2001 consid. 3.

13

Eva Druey Just, Recht und Medizin: Vertrauensärztliche Dienste in der Krankenversicherung, REAS 2023, p. 287.

14

Art. 57 al. 5 LAMal.

15

Arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 6/01 du 26 septembre 2001 consid. 5.b. ; ce manque d’indépendance administrative est critiqué par une partie de la doctrine juridique, voir à ce sujet Eva Druey Just, Recht und Medizin: Vertrauensärztliche Dienste in der Krankenversicherung, REAS 2023, p. 288 et références citées.

16

Arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 7/05 du 18 mai 2006 consid. 4.4.1.

17

Art. 42 al. 5 LAMal.

18

Liste médecin-conseil.​​​​​​​

19

Comme les mesures diagnostiques ou thérapeutiques au sens de l’art. 58h LAMal.

20

Art. 57 al. 7 LAMal.


Dernière mise à jour le 22.04.2025

Zitiervorschlag: Leitfaden SAMW FMH, Rechtliche Grundlagen im medizinischen Alltag, Teilkapitel …


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