Le sport occupe une grande place dans notre société, tant par les performances des athlètes de haut niveau que par la pratique répandue du sport de loisir. Par la prise en charge des sportifs et les conseils prodigués, le médecin contribue largement à la promotion de la santé. Les exigences spécifiques liées au sport, en particulier de haut niveau, posent cependant des défis tant du point de vue médical que de l’éthique professionnelle. Pour y répondre, une formation approfondie interdisciplinaire en médecine du sport ainsi que des règles déontologiques spécifiques ont été mises sur pied 1.
Dans le sport de haut niveau, les médecins doivent composer avec les nombreux intervenants gravitant autour de l’athlète (entraîneurs, préparateurs physiques, sponsors, fédérations, médias, etc.) ainsi qu’à des pressions de performance, à commencer par celles que l’athlète s’impose à lui-même. Les médecins peuvent ainsi être placés devant un conflit d’ordre éthico-professionnel entre la protection de la santé de la patiente ou du patient et son autonomie. Il faudra alors analyser la situation dans son ensemble en prenant notamment en compte l’importance des risques pour la santé ainsi que la faculté et la liberté de décision de la sportive ou du sportif. Une attention particulière sera apportée aux enfants et adolescents dont les entraînements et compétitions doivent correspondre au rythme de croissance et de développement. En tout état de cause, les médecins informeront clairement les sportives et sportifs des risques encourus et les dissuaderont de toute activité incompatible avec leur état de santé. Ils refuseront notamment d’établir des certificats d’aptitude à l’entraînement ou à la compétition, si cela est contraire à la vérité 2 ou incompatible avec leur conscience. Les médecins mandatés par une équipe ou une association doivent être conscients des conflits d’intérêts potentiels et prendront soin de préserver le secret médical en avertissant la sportive ou le sportif des informations qui seront communiquées aux tiers. Ils ne transmettront à ces derniers que les renseignements nécessaires – aptitude ou inaptitude à l’entraînement ou à la compétition –, à l’exclusion des données médicales spécifiques.
En tant qu’« usage abusif de produits et de méthodes visant à améliorer les performances physiques dans le sport », 3 le dopage porte atteinte au respect des règles sportives, à l’égalité des chances, à la loyauté de la compétition ainsi qu’à la promotion de la santé à travers l’activité physique. Il s’agit d’une problématique sociétale qui dépasse le cadre purement sportif et qui n’est pas justifiable du point de vue de l’éthique médicale 4.
En Suisse, la lutte antidopage repose sur deux listes de méthodes et de produits interdits :
Ces règles demandent aux médecins non seulement de s’abstenir de tout acte intentionnel conduisant au dopage (prescription, remise, administration, importation, etc. de produits ou de méthodes interdits), mais également de ne pas entraver les contrôles et d’assister les sportives et sportifs dans leurs demandes d’AUT. Il est primordial de bien documenter les traitements afin d’être en mesure de démontrer leur caractère non-abusif. La lutte antidopage ne repose toutefois pas sur les seules épaules du médecin : en leur qualité de sportives ou de sportifs, les patientes ou patients ont eux aussi, des devoirs, en particulier celui d’annoncer à leur médecin traitant toute participation à une compétition. La prévention contre le dopage requiert dès lors une bonne communication et un dialogue entre les médecins et les patientes et patients 9.
La fondation Swiss Sport Integrity (anciennement : Antidoping Suisse) est le centre de compétence en matière de lutte contre le dopage ainsi que contre les manquements à l’éthique et les abus dans le sport. Cette institution est compétente pour octroyer les AUT et pour fournir des renseignements sur les produits et méthodes admis. Elle met plusieurs outils à disposition des médecins ainsi que des sportives et sportifs, notamment une liste actualisée des interdictions, un moteur de recherche permettant de vérifier l’admissibilité des médicaments, ainsi qu’une liste des médicaments autorisés pour le traitement des maladies courantes 10.
Le recours aux anabolisants et autres substances favorisant la forme et la performance (IPED : image and performance enhancing drugs) est un phénomène croissant dans certaines activités sportives, notamment le monde du fitness et du body building. Un tiers des consommateurs de ces produits développent une dépendance physique et psychique. Pour une bonne prise en charge médico-addictive, il est nécessaire d’établir une relation thérapeutique avec les personnes dépendantes, ce qui constitue le fondement des mesures de prévention, de réduction des risques et de traitement des addictions 11. Or, les strictes interdictions légales peuvent limiter les possibilités de prise en charge médico-addictives, notamment l’accompagnement de la consommation dans une perspective de réduction des risques.
Manifestement, le législateur n’a pas prévu l’apparition de phénomènes de dépendance aux produits dopants, ni la prise en charge médicale qui en découle. Toutefois, en définissant le dopage comme un « usage abusif » qui a pour but « d’améliorer les performances physiques », la loi ne qualifie pas de « dopage » l’usage de produits à des fins thérapeutiques. De même, il ne saurait être question d’un « usage abusif » lorsqu’il existe un diagnostic et une indication médicale pour l’usage du produit en question.
Vu les risques de possibles poursuites pénales, il est conseillé de bien documenter la prise en charge médicale des sportives et sportifs dopés, notamment la prévention effectuée auprès de la patiente ou du patient, l’éventuelle volonté exprimée par ce dernier de cesser la consommation ou encore les informations données concernant une éventuelle participation à des compétitions.
Art. 27, 33 et 33bis du Code de déontologie de la FMH ainsi que son annexe 5 « Directive pour la prise en charge médicale des sportifs ». Lien.
En pareil cas, le médecin se rend coupable de faux certificat médical (art. 318 CP). Cf. chapitre 7.4.
German Clénin, Julien Duruz, Révision des règles déontologiques sur le dopage, BMS 2019;100(7):196–199 avec exemples.
Loi fédérale sur l’encouragement du sport et de l’activité physique (LESp) et annexe à l’ordonnance sur l’encouragement du sport et de l’activité physique (OESp).
Cf. le Code mondial antidopage et la liste des substances et méthodes interdites par l’AMA ainsi que le Statut concernant le dopage de Swiss Olympic ; ces documents peuvent être consultés sur le site Internet www.sportintegrity.ch. Lien.
Outils disponibles sur le site Internet www.sportintegrity.ch → Antidopage → Médecine → Base de données sur les médicaments DRO global. Lien.
Ingo Butzke, Philip Bruggmann, Thilo Beck, Incertitude juridique pour les consommateurs d’anabolisants, BMS 2023;104(24):38–39.
Dernière mise à jour le
22.04.2025
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