5.7 Prise en charge médicale des sportifs et lutte contre le dopage

La prise en charge des sportives et sportifs comporte des spécificités médicales et éthiques, tant dans le sport de compétition que le sport de loisir. La lutte contre le dopage a notamment répercussions concrètes sur le quotidien des médecins.

Le sport occupe une grande place dans notre société, tant par les performances des athlètes de haut niveau que par la pratique répandue du sport de loisir. Par la prise en charge des sportifs et les conseils prodigués, le médecin contribue largement à la promotion de la santé. Les exigences spécifiques liées au sport, en particulier de haut niveau, posent cependant des défis tant du point de vue médical que de l’éthique professionnelle. Pour y répondre, une formation approfondie interdisciplinaire en médecine du sport ainsi que des règles déontologiques spécifiques ont été mises sur pied 1.

La médecine dans le sport de compétition

Dans le sport de haut niveau, les médecins doivent composer avec les nombreux intervenants gravitant autour de l’athlète (entraîneurs, préparateurs physiques, sponsors, fédérations, médias, etc.) ainsi qu’à des pressions de performance, à commencer par celles que l’athlète s’impose à lui-même. Les médecins peuvent ainsi être placés devant un conflit d’ordre éthico-professionnel entre la protection de la santé de la patiente ou du patient et son autonomie. Il faudra alors analyser la situation dans son ensemble en prenant notamment en compte l’importance des risques pour la santé ainsi que la faculté et la liberté de décision de la sportive ou du sportif. Une attention particulière sera apportée aux enfants et adolescents dont les entraînements et compétitions doivent correspondre au rythme de croissance et de développement. En tout état de cause, les médecins informeront clairement les sportives et sportifs des risques encourus et les dissuaderont de toute activité incompatible avec leur état de santé. Ils refuseront notamment d’établir des certificats d’aptitude à l’entraînement ou à la compétition, si cela est contraire à la vérité 2 ou incompatible avec leur conscience. Les médecins mandatés par une équipe ou une association doivent être conscients des conflits d’intérêts potentiels et prendront soin de préserver le secret médical en avertissant la sportive ou le sportif des informations qui seront communiquées aux tiers. Ils ne transmettront à ces derniers que les renseignements nécessaires – aptitude ou inaptitude à l’entraînement ou à la compétition –, à l’exclusion des données médicales spécifiques.

La lutte contre le dopage

En tant qu’« usage abusif de produits et de méthodes visant à améliorer les performances physiques dans le sport », 3 le dopage porte atteinte au respect des règles sportives, à l’égalité des chances, à la loyauté de la compétition ainsi qu’à la promotion de la santé à travers l’activité physique. Il s’agit d’une problématique sociétale qui dépasse le cadre purement sportif et qui n’est pas justifiable du point de vue de l’éthique médicale 4.

En Suisse, la lutte antidopage repose sur deux listes de méthodes et de produits interdits :

  • La première liste est ancrée dans la loi 5 et dresse l’inventaire des produits et méthodes dont l’usage à des fins de dopage présente de grands risques pour la santé. Il s’agit notamment des stéroïdes anabolisants, des agents stimulants de l'érythropoïèse, des hormones de croissance, du dopage génétique, etc.

    La législation antidopage ne cible pas directement la consommation de produits ou de méthodes de dopage par la sportive ou le sportif, mais vise avant tout l’entourage de ces derniers. Les médecins qui traitent des sportives et des sportifs sont donc directement concernés et, en cas d’infraction intentionnelle, peuvent encourir des sanctions bien plus lourdes que leurs patients. De plus, la loi ne se limite pas au sport de compétition, mais interdit également le dopage dans le sport de loisir, même à titre purement privé. Les règles déontologiques reprennent ces exigences légales impératives 6 qui, en pratique, peuvent interférer avec la prise en charges médicale de personnes dopées, notamment en cas de dépendances aux substances dopantes (voir encadré ci-dessous).
  • La seconde liste est établie par les organisations sportives, en particulier l’Agence mondiale antidopage (AMA) 7 et vise tout particulièrement les sportives et les sportifs qui participent à des compétitions organisées par des associations suisses affiliées à Swiss Olympic ou par des organisations sportives internationales. Il ne s’agit pas uniquement de compétitions de haut niveau, mais également des tournois ou courses populaires.

    ​​​​​​​Cette liste privée est bien plus large que celle ancrée dans la loi et comprend notamment les diurétiques et les stimulants. Si la sportive ou le sportif a médicalement besoin d’une substance ou méthode interdite et qu’il n’existe pas d’alternative, il peut obtenir une dérogation, appelée « autorisation d’usage à des fins thérapeutiques (AUT) 8​​​​​​​ ». Cette autorisation est en principe octroyée rétroactivement, après un contrôle antidopage. S’il s’agit d’un athlète appartenant à un « groupe cible de sportifs soumis à contrôles » (généralement de très haut niveau), l’autorisation doit être accordée préalablement au traitement.

Ces règles demandent aux médecins non seulement de s’abstenir de tout acte intentionnel conduisant au dopage (prescription, remise, administration, importation, etc. de produits ou de méthodes interdits), mais également de ne pas entraver les contrôles et d’assister les sportives et sportifs dans leurs demandes d’AUT. Il est primordial de bien documenter les traitements afin d’être en mesure de démontrer leur caractère non-abusif. La lutte antidopage ne repose toutefois pas sur les seules épaules du médecin : en leur qualité de sportives ou de sportifs, les patientes ou patients ont eux aussi, des devoirs, en particulier celui d’annoncer à leur médecin traitant toute participation à une compétition. La prévention contre le dopage requiert dès lors une bonne communication et un dialogue entre les médecins et les patientes et patients 9.

La fondation Swiss Sport Integrity (anciennement : Antidoping Suisse) est le centre de compétence en matière de lutte contre le dopage ainsi que contre les manquements à l’éthique et les abus dans le sport. Cette institution est compétente pour octroyer les AUT et pour fournir des renseignements sur les produits et méthodes admis. Elle met plusieurs outils à disposition des médecins ainsi que des sportives et sportifs, notamment une liste actualisée des interdictions, un moteur de recherche permettant de vérifier l’admissibilité des médicaments, ainsi qu’une liste des médicaments autorisés pour le traitement des maladies courantes 10.

Problématique actuelle : la prise en charge de la dépendance aux anabolisants

Le recours aux anabolisants et autres substances favorisant la forme et la performance (IPED : image and performance enhancing drugs) est un phénomène croissant dans certaines activités sportives, notamment le monde du fitness et du body building. Un tiers des consommateurs de ces produits développent une dépendance physique et psychique. Pour une bonne prise en charge médico-addictive, il est nécessaire d’établir une relation thérapeutique avec les personnes dépendantes, ce qui constitue le fondement des mesures de prévention, de réduction des risques et de traitement des addictions 11. Or, les strictes interdictions légales peuvent limiter les possibilités de prise en charge médico-addictives, notamment l’accompagnement de la consommation dans une perspective de réduction des risques.

Manifestement, le législateur n’a pas prévu l’apparition de phénomènes de dépendance aux produits dopants, ni la prise en charge médicale qui en découle. Toutefois, en définissant le dopage comme un « usage abusif » qui a pour but « d’améliorer les performances physiques », la loi ne qualifie pas de « dopage » l’usage de produits à des fins thérapeutiques. De même, il ne saurait être question d’un « usage abusif » lorsqu’il existe un diagnostic et une indication médicale pour l’usage du produit en question.

  • Aucun produit n’est interdit lorsqu’il s’agit d’un usage à but thérapeutique et qu’il existe un diagnostic ainsi qu’une indication médicale.
  • Toute personne, sportive ou non, a le droit à la prise en charge médicale des atteintes à sa santé, y compris lorsque celles-ci résultent de l’usage de produits dopants.
  • La législation sur le sport ne fait, en principe, pas entrave au traitement des addictions liées à la consommation de produits dopants prohibés.
  • En l’état actuel de la législation, les médecins qui supervisent le dopage de sportives ou sportifs peuvent s’exposer à d’éventuelles poursuites pénales, s’il n’existe aucune prise en charge addictologique ou volonté de la personne dépendante de cesser sa consommation.
  • La participation intentionnelle des médecins aux projets de dopage de leurs patientes ou patients reste prohibée.

Vu les risques de possibles poursuites pénales, il est conseillé de bien documenter la prise en charge médicale des sportives et sportifs dopés, notamment la prévention effectuée auprès de la patiente ou du patient, l’éventuelle volonté exprimée par ce dernier de cesser la consommation ou encore les informations données concernant une éventuelle participation à des compétitions.

1

Art. 27, 33 et 33bis du Code de déontologie de la FMH ainsi que son annexe 5 « Directive pour la prise en charge médicale des sportifs ». Lien.

2

En pareil cas, le médecin se rend coupable de faux certificat médical (art. 318 CP). Cf. chapitre 7.4

3

Art. 19 de la Loi fédérale sur l’encouragement du sport et de l’activité physique (LESp).

4

German Clénin, Julien Duruz, Révision des règles déontologiques sur le dopage, BMS 2019;100(7):196–199 avec exemples. 

5

Loi fédérale sur l’encouragement du sport et de l’activité physique (LESp) et annexe à l’ordonnance sur l’encouragement du sport et de l’activité physique (OESp).

6

Cf. chiffres 4.4 al. 1 let. a et 4.5 al. 1 de l’annexe 5 au Code de déontologie de la FMH. Lien.

7

Cf. le Code mondial antidopage et la liste des substances et méthodes interdites par l’AMA ainsi que le Statut concernant le dopage de Swiss Olympic ; ces documents peuvent être consultés sur le site Internet www.sportintegrity.ch. Lien.

8

 Autorisation d'usage à des fins thérapeutiques (AUT) | Swiss Sport Integrity. Lien.

9

Voir ch. 4 de l’annexe 5 au Code de déontologie de la FMH. Lien.

10

Outils disponibles sur le site Internet www.sportintegrity.ch → Antidopage → Médecine → Base de données sur les médicaments DRO global. Lien.

11

Ingo Butzke, Philip Bruggmann, Thilo Beck, Incertitude juridique pour les consommateurs d’anabolisants, BMS 2023;104(24):38–39. 


Dernière mise à jour le 22.04.2025

Zitiervorschlag: Leitfaden SAMW FMH, Rechtliche Grundlagen im medizinischen Alltag, Teilkapitel …


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