L’assistance au suicide au sens de l’article 115 du Code pénal n’est pas punissable pour autant qu’elle ne repose pas sur un mobile égoïste. Les limites posées à cet égard sont définies par le Code pénal : « Celui qui, poussé par un mobile égoïste, aura incité une personne au suicide, ou lui aura prêté assistance en vue du suicide, sera, si le suicide a été consommé ou tenté, puni d’une peine privative de liberté de cinq ans ou plus ou d’une peine pécuniaire. » Cela signifie que l’assistance au suicide n’est pas punissable si les trois conditions suivantes sont cumulées :
Les conditions fixées par le Code pénal pour l’aide au suicide ne s’adressent pas uniquement aux médecins et autres professions de la santé, mais concerne toute personne susceptible d’apporter son concours au suicide d’une autre.
Des trois conditions susmentionnées, il ressort qu’une personne incapable de discernement ne peut recourir à l’assistance au suicide. Même si elle est en mesure d’accomplir elle-même l’acte létal, l’expression de sa volonté n’est juridiquement plus suffisante, et ce même si elle a inscrit son souhait de pouvoir recourir à l’assistance au suicide dans ses directives anticipées alors qu’elle était encore capable de discernement, ou que son représentant a donné son consentement en son nom (cf. chapitre 3.4).
L’assistance au suicide est généralement pratiquée en ayant recours au pentobarbital de sodium (NaP). Il convient alors de tenir compte des dispositions pénales accessoires qui s’adressent spécifiquement aux médecins et qui se trouvent dans la législation sur les stupéfiants et la législation sur les produits thérapeutiques. Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser que les conditions de la loi sur les stupéfiants étaient plus strictes et qu’elles devaient s’appliquer à la prescription de pentobarbital de sodium. Ainsi seuls les médecins au bénéfice d’une autorisation de pratiquer sous leur propre responsabilité peuvent prescrire ce produit et cette prescription doit non seulement être conforme aux règles reconnues de la science médicale, mais il est également nécessaire que le médecin connaisse l’état de santé du patient et qu’il l’ait examiné personnellement.
La question juridique de savoir ce que recouvrent les règles reconnues des sciences médicales dans le cadre de la prescription de natrium pentobarbital à des fins de suicide n’est pas totalement clarifiée. Le Tribunal fédéral a considéré que la prescription destinée à permettre à des patientes et patients de se suicider exige « un diagnostic, une indication et un entretien explicatif répondant aux règles des devoirs professionnels et des devoirs de diligence du médecin ». L’examen et la documentation de la capacité de discernement des patients revêtent une importance centrale. Seul un médecin peut juger de cette capacité de discernement 1. Les directives médico-éthiques de l’ASSM sur la capacité de discernement dans la pratique médicale, publiées en 2019, font office de soutien pratique aux professionnelles et professionnels de santé.
Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral se réfère régulièrement aux directives médico-éthiques de l’ASSM. Si, pour les anciens arrêts, il s’agissait de celles de 2004 « Prise en charge des patientes et patients en fin de vie », aujourd’hui, ce sont les directives médico-éthiques publiées en 2021 sous le titre « Attitude face à la fin de vie et à la mort » (refonte totale des directives de 2004) qui s’appliquent. Elles ont été reprises dans le Code de déontologie de la FMH et sont donc contraignantes pour les membres de la FMH. Comme évoqué précédemment (cf. chapitre 1.3), les directives médico-éthiques de l’ASSM sont de nature privée ; elles ne remplacent pas la loi et ne peuvent pas être directement appliquées par les autorités pénales, mais peuvent servir d’aide à l’interprétation de la loi, notamment sur le plan du droit civil et du droit administratif.
Selon ces directives médico-éthiques, l’assistance au suicide des personnes capables de discernement est défendable, d'un point de vue médical, lorsque les symptômes de la maladie et/ou les limitations fonctionnelles leur causent une souffrance insupportable et que les autres options ont échoué, ou qu’elles ont été jugées inacceptables par les personnes concernées. Compte tenu de leur histoire personnelle et après des entretiens répétés, leur souhait de ne plus vivre dans cette situation insupportable doit être concevable pour les médecins. Le désir de mourir doit être mûrement réfléchi et persistant, et ne pas résulter d’une pression extérieure. Les directives soulignent que l’assistance au suicide n’est pas un droit et que chaque médecin est libre d’accomplir ou non un tel geste.
La pratique soulève de nombreuses questions éthiques et juridiques, notamment lorsque le désir de mourir est lié à un trouble psychique ou que la demande émane de personnes en bonne santé qui souhaitent néanmoins mourir. Le Tribunal fédéral a admis, et cela a été formulé en conséquence dans les directives médico-éthiques , qu’une souffrance insupportable ne devait pas nécessairement être de nature physique 2, mais il a aussi précisé que la capacité de discernement d’une personne souffrant d’un trouble psychique pouvait être remise en cause 3. À ce jour, la jurisprudence ne permet pas d’apporter de réponse claire à la question de savoir s’il est légalement admissible de prescrire du natrium pentobarbital à des personnes atteintes de démence à un stade peu avancé, âgées ou lasses de vivre, mais dans une large mesure en bonne santé physique et psychique. Selon la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, il est uniquement évident que la prescription de natrium pentobarbital à une personne capable de discernement, en bonne santé, mais désireuse de mourir, n’est pas punissable en vertu de la loi sur les produits thérapeutiques et de la loi sur les stupéfiants 4. Le Tribunal fédéral considère que le législateur doit agir. 5 Dans sa prise de position de mars 2012, l’ASSM considérait déjà que le recours croissant à l’assistance au suicide relève, dans sa globalité, de la responsabilité de la société et qu’il ne doit pas être délégué aux médecins. Une discussion de fond sur ces questions controversées s’avère impérative 6.
La question de savoir dans quelles conditions l’assistance au suicide, et notamment la prescription ou la remise de natrium pentobarbital, est autorisée, revêt une très grande importance pour les médecins. C’est aux autorités de surveillance cantonales 7 qu’il appartient de veiller au respect des obligations qui en découle pour eux. En cas de non-respect, les cantons peuvent prendre des mesures disciplinaires telles qu’un blâme ou un retrait partiel ou total de l’autorisation de pratiquer. Si les règles reconnues des sciences médicales ne sont pas respectées lors de la prescription ou de la remise de natrium pentobarbital, la loi sur les stupéfiants prévoit une peine privative de liberté ou une peine pécuniaire 8.
Le suicide est considéré comme un décès extraordinaire et est soumis à ce titre au devoir d'annoncer, cf. chapitre 7.3.
ATF 150 IV 255 consid. 3.8.1. Service juridique de la FMH: Aide au suicide: précision de la jurisprudence, BMS 2024;105(33-34):36-37. = No 33-34, 2024. Archives-BMS. Cf. Rütsche Bernhard, Hürlimann Daniel, Thommen Marc, Ist Suizidhilfe für Gesunde mittels Natrium-Pentobarbital strafbar?, in : sui generis 2022, p. 113 ss, no. 34.
« Problèmes de l’assistance médicale au suicide. Prise de position de la Commission centrale d’éthique (CCE) de l’ASSM », BMS 2012 ;93(11):411-412.
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