4.1 Principes fondamentaux de l’assurance-maladie obligatoire

Les bases légales déterminantes en matière d’assurance-maladie sociale sont la loi sur l’assurance-maladie (LAMal), l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal) et l’ordonnance du DFI sur les prestations dans l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie (OPAS). Les dispositions de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) jouent également un rôle important, tout comme l’accord entre la Confédération suisse et la Communauté européenne et ses États membres sur la libre circulation des personnes (ALCP).

Assurance obligatoire

L’ensemble de la population résidant en Suisse est assuré dans le cadre de l’assurance obligatoire des soins (AOS). C’est le principe de prise en charge des coûts qui prévaut, c’est-à-dire que l’AOS selon la LAMal rembourse les prestations assurées mais ne les fournit pas elle-même. Dans l’AOS  les causes de la maladie importent peu et  les prestations d’assurance ne sont pas réduites en raison d’une faute personnelle.

L’obligation de souscrire une assurance-maladie s’applique à toute la Suisse et c’est aux cantons qu’il appartient de veiller à son respect, si nécessaire sous la forme d’une affiliation d’office à une caisse-maladie 1.

Toute personne domiciliée en Suisse doit s’assurer pour les soins en cas de maladie 2 dans les trois mois qui suivent sa prise de domicile ; étant précisé que la notion de domicile est définie aux art. 23 à 26 du Code civil (CC) 3 et que la loi prévoit certaines exceptions au principe de domicile civil 4. Ce délai s’applique également aux parents pour déclarer leur nouveau-né à l’assurance-maladie.

Le Conseil fédéral peut étendre l’obligation de s’assurer à des personnes qui n’ont pas élu domicile en Suisse 5. Les personnes qui séjournent dans le pays dans le seul but de suivre un traitement médical ou une cure ne sont pas tenues de s’assurer 6.

L’assurance est en outre obligatoire pour les personnes énumérées à l’art. 1 al. 2 OAMal. Les dispositions des traités internationaux sont réservées.

Les personnes tenues de s’assurer choisissent librement leur assureur parmi ceux autorisés à pratiquer l’assurance-maladie sociale en vertu de la loi sur la surveillance de l’assurance-maladie (art. 4 LAMal). Celles qui n’ont pas donné suite à cette obligation en temps utile se voient affilier d’office à une caisse-maladie par l’autorité désignée par le canton et ne peuvent donc pas choisir librement. Les personnes de Suisse qui voyagent à l’étranger sans y élire domicile demeurent assujetties à l’obligation de s’assurer en Suisse 7.

La carte européenne d’assurance-maladie donne le droit aux touristes de l’UE/AELE  de suivre un traitement médical pendant un séjour temporaire en Suisse (cf. chapitre 3.10). Les citoyens britanniques bénéficient du même droit grâce à une convention de sécurité sociale passée entre la Suisse et le Royaume-Uni. Les touristes d’autres pays (hors UE/AELE/UK) doivent veiller à être suffisamment assurés.

Les ressortissants de nationalité suisse ou de l’UE/AELE/UK qui sont détachés pour une période allant jusqu’à 24 mois sur le territoire d’un État membre de l’UE/AELE ou au Royaume-Uni par une entreprise ayant son siège en Suisse restent soumis à la législation suisse de sécurité sociale, y compris l’assurance-maladie.

L’obligation de l’AOS de prendre en charge les soins médicaux ne s’étend pas aux traitements qu’un médecin se dispense à lui-même. « Le système du tiers garant choisi par le législateur (cf. art. 42 al. 1 LAMal) repose sur une relation triangulaire entre l’assureur (caisse-maladie), la personne assurée (patient) et le fournisseur de prestations (p.ex. médecin). Il en va de même pour le système du tiers payant. Mais si […], le patient et le médecin sont identiques, le premier (le patient) ne se doit manifestement pas de rémunération pour les traitements médicaux effectués sur sa propre personne, faute de rapport contractuel de droit civil. »8 En revanche, lorsque les médecins traitent les membres de leur famille, le traitement est pris en charge par l’assurance-maladie.

Fin de la couverture d’assurance

La couverture d’assurance prend fin lorsque la personne assurée cesse d’être soumise à l’obligation de s’assurer : si elle décède ou quitte son domicile en Suisse pour s’installer dans un autre pays, pour autant qu’elle ne reste pas soumise à l’obligation de s’assurer en Suisse en vertu des accords bilatéraux avec l’UE et l’AELE ou d’une autre convention internationale de sécurité sociale.

Prise en charge provisoire de prestations

Les caisses­-maladie prennent en charge les frais de traitement uniquement si aucune autre assurance sociale n’est compétente (assurance-accidents, assurance militaire, assurance-invalidité). Les traitements consécutifs à un accident sont également remboursés par les caisses­maladie selon les règles de la LAMal si les patientes ou patients ne sont pas couverts par une assurance­-accidents au sens de la LAA. La couverture d’un accident par l’AOS peut être suspendue lorsque l’intéressé est assuré auprès de l’assurance-accidents de l’entité qui l’emploie. Les personnes à temps partiel dont le temps de travail hebdomadaire est d’au moins huit heures sont aussi assurées contre les accidents non professionnels9. Dès que la couverture prévue par la LAA prend fin partiellement ou entièrement, les accidents sont à nouveau couverts par l’AOS.

L’assurance obligatoire des soins est tenue d’avancer les prestations par rapport aux autres assurances sociales : si l’obligation de prestation conformément à la LAA, la LAM ou la LAI est contestée, la caisse-maladie s’acquitte des prestations selon les règles de la LAMal jusqu’à éclaircissement du cas 10. Si un sinistre fonde un droit à des prestations d’assurances sociales, mais qu’il existe des doutes sur le débiteur de ces prestations, l’ayant droit peut en exiger la prise en charge provisoire 11. Dans un tel cas, le législateur a expressément prévu que l’assurance-maladie prenne provisoirement à sa charge les prestations en nature et les indemnités journalières 12.

Principe de prise en charge des coûts

En vertu de l’art. 25 al. 1 LAMal, l’AOS prend en charge les coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une maladie et ses séquelles. Le traitement de la maladie comprend aussi les prestations de soins pour autant que celles-ci contribuent à guérir ou à soulager une atteinte à la santé. La mise en œuvre du traitement et la responsabilité qui en découle incombent donc aux médecins traitants et non aux assureurs-maladie. Les prestations diagnostiques et thérapeutiques dispensées en ambulatoire, en milieu hospitalier ou dans un établissement médico-social sont prises en charge si elles ont été effectuées par des médecins, des chiropraticiens ou des personnes fournissant ces prestations sur prescription ou sur mandat d’un médecin ou  d’un chiropraticien 13.

L’art. 58h LAMal prévoit que le Conseil fédéral définisse des mesures visant à développer la qualité et à garantir ou à rétablir l’adéquation des prestations. Le Conseil fédéral peut entre autres exiger « l’accord du médecin-­conseil […] avant l’exécution de certaines mesures diagnostiques ou thérapeutiques, notamment celles qui sont particulièrement coûteuses »14.

Prestation obligatoire et indication dans la LAMal

La loi définit la maladie comme « toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail » 15.

Dans le cadre de l’AOS, les assureurs-maladie ne peuvent prendre en charge que les coûts des prestations prévues aux art. 25 à 33 16. L’art. 32 LAMal concrétise les conditions essentielles de la prise en charge des prestations par l’AOS : celles-ci doivent être efficaces, appropriées et économiques. Ils doivent par ailleurs se limiter « à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement » 17 .  Dans la mesure où ces conditions ne sont pas réalisées, l’assureur-maladie n’est pas tenu de prendre en charge les coûts. 

Le législateur établit les catalogues listant les prestations d’assurance.  Tous les examens et traitements pratiqués par les médecins sont présumés être obligatoirement pris en charge.  à l’exception des prestations non remboursées visées à l’annexe 1 de l’OPAS 18.  Ces listes sont exhaustives et contraignantes. L’élément décisif pour déterminer si un traitement est pris en charge par l’assurance-maladie est donc en principe l’indication médicale.  

Conformément à la 2e phrase de l’art. 32 al. 1 LAMal, l’efficacité doit être démontrée selon des méthodes scientifiques. Une prestation est efficace si l’on peut objectivement en attendre que le traitement de la maladie soit couronné de succès. « L’adéquation de la prestation s’apprécie selon le bénéfice diagnostique ou thérapeutique attendu dans un cas déterminé, en tenant compte des risques qui lui sont inhérents, estimés à l’aune du succès thérapeutique lié à la suppression la plus complète possible de l’atteinte physique ou psychique. » 19

« Selon la jurisprudence, l’exigence du caractère économique au sens de l’art. 32 al. 1 LAMal se réfère au choix entre plusieurs traitements adéquats : à utilité thérapeutique égale, il convient de choisir la variante la plus avantageuse, resp. celle qui présente le meilleur rapport coûts/bénéfice [...]. Si une seule possibilité de traitement existe, cela ne signifie pas qu’elle doive être considérée dans tous les cas comme économique, indépendamment de son coût. Sous l’angle général de la proportionnalité, qui s’applique à toute activité de l’État (art. 5 al. 2 Cst.), une prestation doit être refusée s’il existe une disproportion marquée entre les dépenses et le résultat thérapeutique [...], ce qui suppose une évaluation du rapport coûts/bénéfice. » 20

Contrôle du caractère économique et de la qualité des prestations

Les modifications de la LAMal pour le renforcement de la qualité et de l’économicité sont entrées en vigueur le 1er avril 2021. Elles confèrent au Conseil fédéral la mission de fixer tous les quatre ans les objectifs à atteindre en matière de garantie et d’encouragement de la qualité des prestations (développement de la qualité, art. 58 LAMal). Le Conseil fédéral prend ainsi la direction du développement de la qualité et vérifie si les objectifs sont atteints. La LAMal révisée prévoit de nouveaux instruments servant à déterminer et à mettre en œuvre les objectifs du Conseil fédéral. Celui-ci agit en tant qu’organe stratégique. Il institue une commission fédérale pour la qualité (art. 58b LAMal). Les fédérations des fournisseurs de prestations et des assureurs concluent des conventions relatives au développement de la qualité valables pour l’ensemble du territoire suisse et que les fournisseurs de prestations sont tenus de respecter (conventions de qualité ; art. 58a al. 6 LAMal). Le respect des règles du développement de la qualité est une des conditions pour pratiquer à la charge de l’AOS (art. 58a al. 7 LAMal).

Le législateur exige d’un fournisseur de prestations qu’il limite ses prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement 21. La rémunération des prestations qui dépassent cette limite peut être refusée. Le fournisseur de prestations peut être tenu de rembourser les sommes reçues à tort au sens de la loi 22. Le contrôle de l’économicité peut se faire selon plusieurs méthodes 23. Le fournisseur de prestations doit répercuter sur le débiteur de la rémunération les avantages directs ou indirects qu’il perçoit d’un autre fournisseur de prestations agissant sur son mandat, ou de personnes ou d’institutions qui fournissent des médicaments ou des moyens et appareils diagnostiques ou thérapeutiques 24, sous réserve d’une répercussion partielle convenue contractuellement entre le fournisseur de prestations et la caisse-maladie (cf. chapitre 4.4). Si le fournisseur de prestations ne répercute pas cet avantage, l’assuré ou l’assureur peut en exiger la restitution 25.

Les manquements aux exigences relatives au caractère économique et au contrôle de la qualité des prestations prévues dans la loi ou dans un contrat26 sont sanctionnés afin de garantir la qualité et l’adéquation des prestations relevant de l’AOS.

Par des arrêts de principe, la jurisprudence précise également les dispositions importantes des procédures d’économicité. C’est ce qu’a fait le Tribunal fédéral le 12 décembre 2023, avec un arrêt 27 qui amorce un changement de pratique et de jurisprudence concernant les procédures d’économicité dans la LAMal. En substance, le Tribunal fédéral déclare que la nouvelle convention entre la FMH, santésuisse et curafutura s’applique depuis l’année comptable 2017 et que la méthode qui y est définie se déroule en deux étapes. 

La sélection statistique ne révèle pas l’absence d’économicité dans les traitements mais fait seulement ressortir une structure de coûts hors norme, raison pour laquelle il est ensuite nécessaire de procéder à un examen individuel, ce que santésuisse avait nié jusqu’à présent. Voici d’autres points importants de cet arrêt de principe :

  • Les caractéristiques typologiques des cabinets doivent impérativement être prises en compte lors de l’examen individuel si elles ne peuvent pas être intégrées dans les facteurs de sélection statistique.
  • Il est important de noter que la structure des coûts des spécialistes en médecine interne générale pratiquant la propharmacie se distingue considérablement de celle des spécialistes de la même discipline dont le cabinet ne dispose pas de cette particularité.
  • Une sélection statistique qui fait apparaître des coûts hors norme n’apporte pas la preuve que les prestations ont été fournies de manière non économique, mais enclenche la mise en œuvre d’une procédure de constatation de la nonéconomicité. ................................ZCO BINDESTRICH
  • Il appartient à l’assureur-maladie de fournir la preuve sur laquelle se fonde la demande de remboursement. La méthode de sélection statistique ne constitue pas à elle seule un élément de preuve suffisant. Seuls les résultats d’un examen individuel montrant qu’un traitement est non économique justifient une telle demande.
1

Art. 6 al. 2 LaMal.

2

Art. 3 al. 1 LaMal.

3

Art. 1 al. 1 OAMal.

4

Art. 3 al. 2 LaMal.

5

Art. 3 al. 3 LaMal.

6

Art. 2 al. 1 let. b OAMal.

7

www.ofsp.admin.ch → Assurances→ Assurances-maladie→ Assurés domicilés en Suisse → Obligation de s'assurer. Lien.

8

ATF133 V 416 consid. 3.1 (trad. FMH).

9

Art. 13 al. 1 OLAA.

10

Art. 70 al. 2 let. a LPGA.

11

Art. 70 al. 1 LPGA.

12

Art. 70 LPGA.

13

Art. 25 al. 2 let. a LAMal.

14

Art. 58h al. 1 let. a LAMal.

15

Art. 3 LPGA.

16

Art. 34 al. 1 LAMal.

17

Art. 56 al. 1 LAMal.

18

Mis bout à bout, ces éléments constitueraient une liste négative.

19

ATF 130 V 299 (trad. FMH).

20

ATF 136 V 395 consid. 7.4 (trad. FMH).

21

Art. 56 al. 1 LAMal.

22

Art. 56 al. 2 LAMal ; ATF 130 V 377, 137 V 43.

23

ATF 135 V 237.

24

Art. 56 al. 3 LAMal.

25

Art. 56 al. 4 LAMal.

26

Art. 59 LAMal.

27

ATF 150 V 129. Lang Gabi, Herzog-Zwitter Iris, Müller Patrick, Economicité: Un arrêt déterminant du Tribunal fédéral, BMS 2024;105(17–18):44–47. ​​​​​​​= No 17-18, 2024. Archives-BMS.


Dernière mise à jour le 22.04.2025

Zitiervorschlag: Leitfaden SAMW FMH, Rechtliche Grundlagen im medizinischen Alltag, Teilkapitel …


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