Le droit de la protection de l’adulte propose deux instruments aux personnes capables de discernement pour faire perdurer le droit à l’autodétermination d’une personne en cas d’incapacité de discernement : le mandat pour cause d’inaptitude et les directives anticipées.
Le mandat pour cause d’inaptitude 1
Le mandat pour cause d’inaptitude permet à une personne ayant l’exercice des droits civils de charger une personne physique ou morale d’agir pour elle au cas où elle deviendrait incapable de discernement. Les tâches des mandataires peuvent concerner l’assistance personnelle, la gestion du patrimoine ou les rapports juridiques avec les tiers. L’assistance personnelle inclut également les instructions relatives à d’éventuels soins médicaux.
Comme pour un testament, le mandat pour cause d’inaptitude est soumis à des exigences de formes strictes. Il doit être passé soit en la forme authentique (devant notaire), soit en la forme olographe. Dans le second cas, le mandant doit rédiger le mandat pour cause d’inaptitude en entier de sa propre main, le dater et le signer. Il peut résilier le mandat en tout temps sous l’une des formes prévues pour sa constitution. La destruction, par le mandant, de l’original du mandat entraîne sa révocation. Si le mandant rédige un nouveau mandat sans avoir expressément résilié l’ancien, le nouveau mandat se substitue à l’ancien pour autant qu’il ne fasse aucun doute qu’il ne s’agit pas d’un simple complément.
L’autorité de protection de l’adulte intervient lorsque les intérêts du mandant sont compromis ou risquent de l’être ; elle prend les mesures nécessaires d’office ou à la demande d’un proche. Si le mandant perd sa capacité de discernement, elle doit examiner si le mandat pour cause d’inaptitude est valable et si rien ne s’oppose à l’aptitude du mandataire à le remplir. L'autorité doit valider le mandat pour qu’il prenne effet. Elle remet au mandataire un acte de nomination 2 attestant de son pouvoir de représentation vis-à-vis de tiers. Le mandat n’est donc pas automatique. Investiguer et attester l’incapacité de discernement est une tâche exigeante pour l’autorité qui s’appuiera sur un certificat médical ou demandera une expertise 3. Bien que la capacité de discernement soit une notion juridique, les certificats médicaux ou les expertises jouent de facto un rôle déterminant 4.
Les directives anticipées 5
Les directives anticipées permettent à une personne capable de discernement de déterminer de manière contraignante les soins médicaux auxquels elle consent ou non au cas où elle deviendrait incapable de discernement, ou de désigner un représentant chargé d’exercer ses droits de patient dans la même éventualité. Vous trouverez plus de détails sur les directives anticipées au chapitre 3.4.
Représentation par le conjoint ou le partenaire enregistré 6
Le droit de la protection de l’adulte confère aux conjoints ou aux partenaires enregistrés le droit de représenter leur partenaire pour certaines affaires en cas d’incapacité de discernement de ce dernier s’ils font ménage commun ou lui fournissent une assistance personnelle régulière. Les personnes précitées ont, de par la loi, un pouvoir de représentation lorsqu’il n’existe ni mandat pour cause d’inaptitude, ni curatelle. Elles sont notamment habilitées à accomplir tous les actes juridiques habituellement nécessaires pour satisfaire les besoins de la personne incapable de discernement. Le pouvoir de représentation ne comprend cependant que l’administration ordinaire des revenus et des autres biens de la personne incapable de discernement, et, si nécessaire, le droit de prendre connaissance de sa correspondance et de la liquider 7.
Représentation dans le domaine médical 8
Lorsqu’une personne incapable de discernement doit recevoir des soins médicaux sur lesquels elle ne s’est pas déterminée dans des directives anticipées, les médecins traitants établissent le traitement nécessaire avec la participation de la personne habilitée à la représenter dans le domaine médical. La loi prévoit à cet effet l'instrument du plan de traitement.
Ils renseignent cette dernière sur tous les aspects pertinents du traitement envisagé, notamment sur ses raisons, son but, sa nature, ses modalités, ses risques et effets secondaires, son coût, ainsi que sur les conséquences d’un défaut de traitement et sur l’existence d’autres traitements. Dans la mesure du possible, la personne incapable de discernement est associée au processus de décision. Le plan de traitement doit être adapté à l’évolution de la médecine et à l’état de la personne concernée.
La notion de mesure médicale concerne l’aspect médical de la prise en charge de la personne et comprend toutes les mesures diagnostiques et thérapeutiques, ainsi que tous les soins.
Si la personne incapable de discernement n’a pas laissé d’instructions, le droit de la protection de l’adulte détermine qui est habilité à la représenter et qui peut donner son consentement à sa place à un traitement médical.
Sont habilités à la représenter (selon l’ordre suivant) :
Le représentant doit se prononcer sur les mesures médicales à prendre conformément à la volonté présumée et aux intérêts objectifs de la personne incapable de discernement. En cas d’urgence, les médecins administrent les soins médicaux conformément à la volonté présumée et aux intérêts de la personne incapable de discernement.
Pour la représentation de mineurs cf. chapitre 3.8.
Les médecins sont déliés du secret médical vis-à-vis du représentant selon l'art. 377 al. 2 CC:
"Le médecin traitant renseigne la personne habilitée à représenter la personne incapable de discernement sur tous les aspects pertinents du traitement envisagé, notamment sur ses raisons, son but, sa nature, ses modalités, ses risques et effets secondaires, son coût, ainsi que sur les conséquences d’un défaut de traitement et sur l’existence d’autres traitements."
L’autorité de protection de l’adulte désigne un curateur en l’absence de représentant ou si celui-ci ne veut pas exercer ses pouvoirs de représentation.
Séjour en home ou en établissement médico-social 9
Afin d’assurer la protection des personnes incapables de discernement résidant pendant une période prolongée dans un home ou un établissement médicosocial, le droit impose la conclusion d’un contrat d’assistance écrit. Ce contrat établit les prestations à fournir par l’institution. Il ne porte pas sur les prestations médicales. Toute mesure destinée à limiter la liberté de mouvement doit faire l’objet d’un protocole. Le représentant dans le domaine médical est informé d’une telle mesure et peut en tout temps prendre connaissance du protocole.
Les mesures de restriction de la liberté de mouvement sont une forme de mesure de contrainte en médecine (cf. chapitre 5.11 et directives médico-éthiques de l'ASSM « Mesures de contrainte en médecine », en particulier le chapitre 4.4 « Patients en soins de longue durée ».)
Mesures prises par l’autorité 10
Les mesures prises par l’autorité dans le domaine de la protection de l’adulte doivent garantir l’assistance et la protection des personnes ayant besoin d’aide. Elles ne sont ordonnées que si l’environnement de la personne concernée n’offre pas une protection suffisante, p.ex. par le biais de l’assistance de la famille ou d’autres proches. Les mesures prises par l’autorité doivent être propres à atteindre le but visé, intervenir le moins possible dans la situation juridique de la personne à protéger et être raisonnables. Elles doivent, dans toute la mesure du possible, préserver et favoriser l’autonomie de la personne concernée. Le principe d’intervention minimale est un principe important du droit de la protection de l’adulte.
La curatelle est la seule mesure prévue par le droit de la protection de l’adulte qui est liée à l’exercice d’un mandat officiel. Le curateur est désigné par l’autorité de protection de l’adulte et a pour tâche d’assurer le bien-être et la protection d’une personne vulnérable. Une curatelle ne peut être instituée que si la personne concernée n’est plus en mesure de sauvegarder ses intérêts ou de donner les procurations nécessaires en raison d’un état de faiblesse défini par la loi (déficience mentale, trouble psychique ou autre) ou d’une incapacité de discernement. La curatelle est instituée d’office ou à la demande de la personne concernée ou d’un proche.
La loi distingue quatre types différents de curatelle 11 :
L’autorité de protection de l’adulte doit instituer la curatelle la plus adaptée possible aux besoins de la personne concernée. Elle doit d’une part déterminer quel type de curatelle il convient d’instituer. D’autre part, elle doit définir aussi précisément que possible les tâches du curateur. Ces tâches concernent tant l’assistance personnelle que la gestion du patrimoine ou les affaires juridiques.
Les curatelles peuvent être combinées les unes avec les autres, à l’exception de la curatelle de portée générale 12. Cela correspond à l'idée de mesures sur mesure.
Sauf en cas de curatelle de portée générale, le curateur n’est apte à prendre des décisions médicales que s’il en a expressément reçu le mandat.
Une personne peut être placée contre son gré ou sans son consentement dans une institution appropriée dans le cadre d’un placement à des fins d’assistance 13. Vous trouverez plus de détails à ce sujet au chapitre 5.11: « Mesures de contrainte en médecine ».
Le droit de la protection de l’adulte prévoit diverses autorités chargées de son application. Parmi elles, l’autorité de protection de l’adulte et son autorité de surveillance jouent un rôle essentiel. L’autorité de protection de l’adulte exerce également les tâches de l’autorité de protection de l’enfant.
L’autorité de protection de l’adulte est une autorité interdisciplinaire désignée par les cantons. Elle se compose de trois membres au moins et prend en général ses décisions en tant qu’autorité collégiale. Elle occupe une position clé dans l’application du droit de la protection de l’adulte et établit les faits d’office. Elle procède à la recherche et à l’administration des preuves nécessaires. Elle peut charger un tiers ou un service d’effectuer une enquête. Si nécessaire, elle ordonne un rapport d’expertise 15.
L’autorité de protection de l’adulte du lieu de domicile de la personne concernée est compétente pour ordonner et annuler des mesures officielles. Elle intervient d’office ou après avoir été avisée qu’une personne a besoin d’aide 16. La procédure est en principe régie par le droit cantonal, les cantons étant toutefois tenus d’observer certains principes de droit fédéral 17.
L’autorité de protection de l’adulte peut également avoir la fonction d’autorité de surveillance et donc être une instance de recours qui peut être saisie pour statuer sur les actes et les omissions du curateur 18.
Les décisions de l’autorité de protection de l’adulte peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge compétent. Ont la qualité pour recourir les personnes parties à la procédure, les proches de la personne concernée et les personnes qui ont un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge 19.
L’autorité cantonale de surveillance contrôle l’activité de l’autorité de protection de l’adulte et veille à l’application correcte et uniforme du droit 20. Elle intervient d’office si elle a connaissance d’un manquement ou d’une omission de l’autorité de protection de l’adulte. L’autorité de surveillance n’est pas habilitée à corriger les décisions prises par l’autorité de protection de l’adulte dans un cas concret. Seul le tribunal compétent est habilité à réexaminer cette décision dans le cadre d’une procédure de recours. Les cantons désignent l’autorité de surveillance et définissent son organisation.
Les cas de démence font partie des causes d’incapacité de discernement les plus fréquentes (cf. Häfeli Christoph, Kinder- und Erwachsenenschutzrecht, 3e édition, Berne 2021, n. 117).
L’autorité de protection de l’adulte doit donner son accord lors d’actions juridiques concernant l’administration extraordinaire des biens. Contre-intuitivement, les conjoints ont donc chacun besoin d’un mandat pour cause d’inaptitude, afin que les autorités n’interviennent pas en cas d’urgence.
Art. 442 et 443 CC. Dans le droit de la protection de l'adulte, une annonce implique que le médecin demande le consentement du patient ou se fasse délier par les autorités. Art. 443 al. 2 phrase 2 CC. Cf. Luca Oberholzer, Die ärzliche Auskunft, Zurich 2025, n. 454.
Dernière mise à jour le
22.04.2025
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