Selon le droit du mandat, les lois cantonales sur la santé et le Code de déontologie de la FMH, les médecins doivent tenir un dossier médical approprié 1. Le dossier doit mentionner l’information donnée, les examens pertinents, les traitements et les réflexions du médecin.
La manière de tenir un dossier médical est réglée de manière plus ou moins détaillée par les lois cantonales 2. Le Tribunal fédéral a estimé que le dossier médical devait avant tout permettre de comprendre le traitement du point de vue médical pour assurer la suite de la prise en charge. Il découle de ce but premier que le dossier médical peut constituer un moyen de preuve en cas de litige 2. Afin d’assurer son intelligibilité, il doit être rédigé correctement et documenter le déroulement des traitements de manière complète. Il est par ailleurs déterminant qu’il contienne les informations et documents usuels nécessaires du point de vue médical 4.
L’intelligibilité et l’exhaustivité impliquent également de pouvoir déterminer qui a procédé à quelles annotations ou modifications et à quel moment 5.
Rappelons que des inscriptions erronées ou manquantes peuvent avoir une incidence négative sur une éventuelle procédure judiciaire. Dans un arrêt, le Tribunal fédéral a en effet allégé l’administration de la preuve incombant à un patient en raison d’un rapport opératoire lacunaire, d’informations trompeuses et de la suppression d’une vidéo de l’opération 6.
Le dossier médical contient des données personnelles. À ce titre, il est soumis à la législation sur la protection des données, qui dispose des principes suivants 7 :
En 2023, la FMH a mis à la disposition des cabinets médicaux plusieurs notices d’information et modèles de documents pour les aider à mettre en œuvre les dispositions légales. Un guide traitant de la conservation et de l’archivage des documents peut être consulté à l’adresse suivante : Nouvelle loi sur la protection des données | FMH
Même si tous les cantons n’ont pas encore adapté leurs dispositions relatives au nouveau délai de prescription de droit privé de 20 ans, entré en vigueur le 1er janvier 2020, l’art. 12 du Code de déontologie de la FMH dispose de se conformer à ce nouveau délai 10 . En cas de litige, les médecins doivent prouver qu’ils ont correctement informé les patients, ce qu’ils ne seront en mesure de faire que si le dossier médical contient les inscriptions correspondantes. Certains cantons prévoient des délais plus longs pour les hôpitaux publics 11. Il en va de même pour certaines situations de soins particulières, telles celles qui concernent les rapports de travail ou la procréation médicalement assistée 12.
En principe, l’obligation de conserver le dossier médical subsiste en cas de cessation ou de transfert de l’activité professionnelle. La distinction opérée ici porte sur la personne avec laquelle la patiente ou le patient a conclu le contrat de soins. En effet, lorsque le contrat de soins a été conclu avec un cabinet de groupe (SA ou Sàrl), l’obligation de conservation incombe au cabinet lui-même. En revanche, lorsque le contrat de soins a été conclu avec la ou le médecin, celle-ci ou celui-ci doit veiller à ce que les dossiers médicaux soient conservés de manière appropriée.
Si une personne (physique ou morale) reprend le cabinet médical ou la suite du traitement de la patientèle, cela ne signifie pas automatiquement que les dossiers médicaux peuvent lui être transmis ou qu’elle peut les consulter. L’octroi du droit de consulter à la personne repreneuse requiert le consentement préalable de la patiente ou du patient. En l’absence (provisoire) du consentement de la patiente ou du patient, il est possible d’appliquer le principe dit « des deux armoires ». Ainsi, une armoire contient les dossiers médicaux pour lesquels la patientèle a consenti au traitement par la personne repreneuse et une autre contient ceux pour lesquels le consentement de la patientèle fait (encore) défaut. Les dossiers médicaux numériques sont en principe soumis aux mêmes règles.
En cas de cessation d’activité, les médecins restent tenus, dans le délai légal, de fournir à leurs patientes et patients des renseignements sur leur dossier médical. Par conséquent, la ou le médecin doit veiller à ce que les dossiers médicaux soient conservés de manière appropriée et protégés contre tout accès non autorisé, par exemple en les stockant chez soi ou en en déléguant la conservation à un tiers (p.ex. solution de la branche DM-archivsuisse).
Il convient en outre de consulter les éventuelles dispositions cantonales en vigueur (lois cantonales sur la santé ou sur les patients), qui pourraient prévoir des délais de conservation plus longs ou des formes particulières de conservation.
Les données inexactes doivent être rectifiées 13. En cas de doute sur l’exactitude des données lors d’un traitement médical, et si les patients contestent p.ex. le contenu du dossier médical, les inscriptions effectuées par les médecins ne peuvent pas être simplement remplacées par les allégations des patients. Dans ce cas, ces derniers peuvent exiger l’ajout d'une mention du caractère litigieux indiquant qu’ils contestent l’exactitude d’une inscription et faisant état de leur propre point de vue 14.
Les patientes et patients ont le droit de consulter leur dossier médical et de demander des renseignements sur le traitement des données qui y figurent 15. S’ils y consentent, il est possible de leur communiquer les inscriptions du dossier médical par l’intermédiaire d’un professionnel de la santé qu’ils auront désigné 16.
Le droit d’accès aux données est un droit strictement personnel et, à ce titre, il n’est pas transmissible et ne passe pas non plus à la succession 17. Le Tribunal fédéral a clairement jugé que le secret médical ne prenait pas fin au décès d’une personne et que les proches et les héritiers de la personne défunte n’avaient aucun droit aux informations figurant dans le dossier médical, car un accord tacite de la patiente ou du patient dans ce sens ne saurait être présumé à la légère. Ce n’est que si la personne défunte a clairement exprimé sa volonté de renoncer à la confidentialité qu’il est possible d’en assouplir la protection 18. Sous réserve qu’elle ait clairement exprimé sa volonté (p.ex. procuration pour le cas d’espèce, mandat pour cause d’inaptitude ou directives anticipées), l’autorisation de consulter son dossier médical nécessite une demande du médecin ou du tiers auprès de l’autorité de surveillance cantonale compétente, généralement la direction de la santé (cf. chapitre 7.1) 19. En 2023, le Tribunal fédéral a précisé que la levée du secret médical était uniquement accordée lorsqu’elle est nécessaire pour la sauvegarde d’intérêts privés ou publics prépondérants et que seul un intérêt public ou privé hautement supérieur pouvait la justifier 20 . Lors de la pesée des intérêts, il faut en particulier tenir compte du fait que le secret médical est un bien juridique de poids, à l’inverse de l’intérêt à déterminer la vérité matérielle, qui ne constitue pas un intérêt prépondérant en soi 21 . C'est à l’autorité compétente qu’il appartient de déterminer dans quelle mesure et à qui les renseignements doivent être fournis 22.
Quels que soient les moyens et procédés de traitement des données utilisés 23, il doit pouvoir être retraçé en tout temps quelle personne a ajouté quelle inscription et à quel moment. La méthode de travail doit donc permettre de déterminer quelle version était applicable à un moment donné (rapport provisoire ou définitif). Dans le cadre du déroulement du traitement, il convient également de s’assurer que les nouvelles inscriptions n’écrasent pas les précédentes.
Indépendamment de la forme adoptée, les médecins doivent veiller à ce que les dossiers médicaux ne puissent être ni endommagés ou détruits accidentellement, ni consultés par des personnes non autorisées.
N’y sont pas autorisées toutes les personnes non impliquées dans le traitement si les patients ne leur ont pas permis, expressément ou par actes concluants, de consulter leur dossier médical 24. De la même manière, les proches ou les parents de personnes mineures capables de discernement peuvent consulter les dossiers médicaux uniquement si celles-ci y consentent (cf. chapitre 3.8).
Les dossiers médicaux doivent être entreposés dans des armoires résistantes au feu pouvant se fermer à clé, et dans un endroit où ils ne risquent pas d’être endommagés en cas d’inondation.
Les mêmes règles s’appliquent aux données électroniques : il convient d’en faire des copies de sécurité de manière continue ou du moins régulière et de les conserver ailleurs, ou en tout cas dans un lieu où elles sont protégées de l’eau et du feu. Ces copies doivent également être protégées contre un accès par des personnes non autorisées.
En ce qui concerne les appareils portables (ordinateurs portables, tablettes), la sauvegarde des données devrait être chiffrée, afin que celles-ci ne soient pas lisibles en cas de perte ou de vol.
Lorsque le traitement des données passe par internet (« Cloud Computing »), il convient de s’assurer que les communications avec le prestataire de services soient chiffrées et que l’authentification soit suffisamment résistante (p.ex. au moyen d’une authentification à deux facteurs). Au moment de choisir un prestataire, il est recommandé de procéder à un examen critique de la sécurité des données et des règles de protection des données qu’il propose. En vertu de l’art. 9 al. 1 let. a LPD, le prestataire peut traiter les données seulement de la même manière que les médecins seraient en droit de les traiter eux-mêmes , pour autant qu’aucune obligation légale ou contractuelle de garder le secret ne l’interdise. Les médecins doivent en particulier s’assurer que le prestataire est en mesure de garantir la sécurité des données 25. La collaboration avec le prestataire est un contrat de sous-traitance et doit, à ce titre, être réglée par contrat entre la personne « responsable du traitement » et le « sous-traitant » 26. Cela signifie que les données doivent être protégées contre tout traitement non autorisé par des mesures techniques et organisationnelles adaptées 27. Cela inclut également les mesures visant à assurer la confidentialité, la disponibilité et l’intégrité des données. De manière générale, la FMH recommande de vérifier que les données et toutes les personnes y ayant accès se trouvent en Suisse 28. Dans tous les cas, le responsable du traitement est tenu de respecter pleinement la législation suisse en matière de protection des données.
La FMH met à disposition de ses membres des recommandations et des documents d'aide pour l'informatique au cabinet médical. Lien.
Art. 400 CO ; p.ex. art. 32 de la loi sur la santé du canton du Valais ; selon le § 13 Gesundheitsgesetz du canton de Zurich, le dossier médical renseigne sur les informations données et le traitement, notamment les examens, les diagnostics, la thérapie et les soins. L’auteur des inscriptions doit être immédiatement identifiable ; art. 12 du Code de déontologie de la FMH.
Certaines lois fédérales spéciales récentes contiennent des dispositions particulières sur la tenue du dossier médical (cf. chapitres 5.1 ss.) ; cf. également p.ex. § 37 du règlement des patients de l’Hôpital cantonal lucernois, l'art. 64 de la loi de santé du canton de Neuchâtel ou l'art. 52 de la loi sur la santé du canton de Genève.
P.ex. § 17 Abs. 3 Patientinnen- und Patientengesetz du canton de Zurich, art. 53 de la loi sur la santé de canton de Genève.
La révision complète de la loi sur la protection des données est entrée en vigueur le 1er septembre 2023.
Art. 6 al. 4 LPD. Des dispositions spéciales prévoyant des délais de conservation particuliers sont réservées. Message LPD, FF 2017 6646. Le consentement de la patiente ne justifie pas la destruction avant l'expiration du délai prescrit. Luca Oberholzer, Die ärztliche Auskunft, Zurich 2025, n. 346.
Les créances découlant de lésions corporelles nées (également) après le 1er janvier 2020 sont soumises à un délai de prescription de 20 ans, si aucun autre délai de prescription ne s’applique.
P.ex. art. 6 al. 2 et 3 de l’ordonnance sur les patients et les professionnels de la santé (OPat) du canton de Berne.
Art. 8 de l’annexe 4 du Code de déontologie de la FMH (40 ans pour la documentation de la médecine du travail) ; art. 26 LPMA (80 ans pour les données concernant la naissance d’un enfant conçu grâce à un don de sperme).
Art. 25 DSG. Cf. chapitre 3.6 ainsi que « Instructions relatives aux demandes de renseignements et de remise de données personnelles ». Lien.
Art. 25 al. 3 LPD ; § 37 ss du règlement des patients de l’Hôpital cantonal lucernois ; § 19 Patientinnen- und Patientengesetz du canton de Zurich ; art. 13 du Code de déontologie de la FMH.
Arrêts du Tribunal fédéral 2C_270/2018 du 15 mars 2019 consid. 2.1.2 et 2C_37/2018 du 15 août 2018 consid. 6.4.2.
Arrêts du Tribunal fédéral 2C_1049/2019 du 1er mai 2020 consid. 3.4 et 2C_37/2018 du 15 août 2018 consid. 6.4.2.
Art. 5 let. d LPD ; p.ex. § 2 Patientinnen- und Patientengesetz du canton de Zurich. Le Baromètre suisse de la cybersanté 2025 montre que 80 % des médecins gèrent les dossiers médicaux de manière entièrement numérique. Lien.
Art. 321 CP ; § 15 Patientinnen- und Patientengesetz du canton de Zurich ; art. 11 du Code de déontologie de la FMH.
Le législateur a délibérément choisi un terme vague, qui permet une interprétation dynamique. Ce qui est déterminant est le standard au moment concerné.
Dernière mise à jour le
26.05.2025
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