La Constitution fédérale garantit le droit fondamental à la liberté personnelle, qui englobe notamment l’intégrité physique et psychique. 1 Le droit à l’autodétermination du patient en est déduit directement. 2 En général, les législations sanitaires cantonales contiennent des dispositions sur le consentement éclairé. 3 De son côté, le droit privé protège également la personnalité. 4 Ainsi, toute intervention médicale constitue en principe une atteinte à la liberté personnelle, à moins qu’il n’existe un fait justificatif. Dans le domaine médical, la justification de l’atteinte réside le plus souvent dans le consentement du patient. 5
Le droit à l’autodétermination comporte deux aspects, que sont l’acceptation et le refus de soins. 6 En effet, la liberté de choix du patient implique que ce dernier va parfois être amené à refuser les soins préconisés, alors que ces soins s’avèrent indiqués, voire indispensables à sa survie. La décision du patient doit être respectée, même si une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances consentirait aux soins. 7
Pour que le consentement du patient soit juridiquement valable, il doit répondre à certaines conditions. Ainsi, le consentement doit être libre, éclairé et émaner d’un patient capable de discernement. A défaut de consentement valable, l’acte médical est illicite et peut donner lieu à des prétentions en dommages et intérêts (cf. chapitre 8.2).
Capacité de discernement
Pour consentir valablement au traitement, le patient doit être capable de discernement. La capacité de discernement est l’aptitude d’une personne à comprendre une situation donnée et les choix qui s’offrent à elle dans cette situation, à évaluer les conséquences de chacun de ces choix et à finalement décider pour lequel d’entre eux opter. La capacité de discernement n’a pas de degré : elle est soit présente, soit absente. 8
La loi parle de « faculté d’agir raisonnablement » et énumère de façon exhaustive les causes possibles d’altération de cette faculté ; ces causes sont le jeune âge, la déficience mentale, les troubles psychiques, l’ivresse et les autres causes semblables. 9
La capacité de discernement est présumée. Elle est relative, dans la mesure où elle s’évalue au vu de la situation concrète, en fonction notamment de la nature et de la complexité de la décision. Pour les patients mineurs, la loi ne fixant pas d’âge déterminé à partir duquel ils seraient censés être raisonnables, il faut apprécier dans chaque cas si l’enfant avait le degré de développement suffisant (stabilité émotionnelle suffisante, capacité à peser les motifs et à mettre en oeuvre sa volonté) pour que l’on puisse admettre sa capacité de discernement. 10
Comme il n’est pas aisé pour les soignants d’évaluer la capacité de discernement, l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) a publié les directives médico-éthiques « La capacité de discernement dans la pratique médicale ». 11
Ces directives prévoient les principes à observer pour estimer la capacité de discernement et définit le processus d’évaluation de manière générale et dans des domaines médicaux déterminés. Avec le «U-Doc», un outil d'évaluation de la capacité de discernement est en outre mis à disposition.
L’évaluation de la capacité de discernement, en particulier pour le traitement des adolescents, est délicate. L’article du 20 février 2013 « Les adolescents sont-ils capables de discernement ? Une question délicate pour le médecin », publié dans la Revue médicale suisse, donne des pistes de réflexion (RMS 2013 ; 9 : 415-419). Lien.
Consentement éclairé
Le consentement n’est valable que s’il est éclairé, soit si le patient a reçu toutes les explications pertinentes concernant sa situation médicale pour être en mesure de se forger une opinion et de prendre une décision. 12 L’information au patient est fondamentale non seulement du point de vue médical, mais également juridique. En effet, elle contribue à établir le lien de confiance nécessaire entre le médecin et son patient. Par ailleurs, un traitement effectué en l’absence d’information correcte est illicite et le médecin répond alors des complications qui surviennent, même s’il a fait preuve de diligence (cf. chapitre 8.2).
Au vu de son importance, la question de l’information est traitée de manière détaillée au chapitre 3.2.
Une communication adéquate est essentielle au bon déroulement d’un traitement médical. 13 L’ASSM a édicté un guide pratique « La communication dans la médecine au quotidien », qui présente différentes techniques d’entretien et donne des conseils pour aborder des sujets délicats comme l’annonce de mauvaises nouvelles.
Consentement libre
Pour qu’il soit valable, le consentement doit être donné librement. Il ne doit donc pas être entaché de tromperies (comme de mensonges du médecin), de pressions ou de menaces. Par ailleurs, le consentement doit avoir été donné en l’absence de pressions liées au temps ou au lieu, le Tribunal fédéral ayant jugé que l’influence, même positive, du milieu médical et hospitalier est impropre à favoriser la formation de la volonté objective du patient. 14
Le chapitre 3.2 vous donne plus de renseignements quant au moment auquel l’information doit être donnée.
Forme du consentement
En principe, la forme de l’expression du consentement est libre ; le consentement peut être donné de deux manières :
Cependant, certaines lois fédérales exigent un consentement écrit, comme par exemple la loi relative à la recherche sur l’être humain (LRH), la loi sur la procréation médicalement assistée (LPMA) ou le Code pénal pour l’interruption de grossesse au cours des douze premières semaines.
Il appartient au médecin de prouver qu’il a informé le patient et obtenu son consentement. La documentation de ces deux éléments revêt donc une grande importance. A ce sujet, veuillez vous référer au chapitre 3.2.
Représentation d’un patient incapable de discernement 16
Un patient incapable de discernement n’est pas en mesure de consentir valablement à des soins médicaux. Dans ces cas, lorsque le patient ne s’est pas déterminé sur ses soins dans des directives anticipées (cf. chapitre 3.4) et qu'il n'y a pas urgence ou de situation mettant la vie en danger, le médecin traitant établit le traitement nécessaire avec la participation de la personne habilitée à représenter le patient dans le domaine médical. Le médecin renseigne cette personne sur tous les aspects pertinents du traitement envisagé, notamment sur ses raisons, son but, sa nature, ses modalités, ses risques (cf. chapitre 3.2 « informations sur les risques spécifiques » et effets secondaires, son coût, ainsi que sur les conséquences d'un défaut de traitement et sur l'existence d'autres traitements. Dans la mesure du possible, le patient incapable de discernement doit être associé au processus de décision. 17
Le droit de la protection de l’adulte détermine qui est habilité à représenter le patient incapable de discernement et à consentir ou non aux soins médicaux envisagés, et dans quel ordre 18 :
En cas de pluralité de représentants, le médecin peut, de bonne foi, présumer que chacun d’eux agit avec le consentement des autres. En l’absence d’instructions contenues dans des directives anticipées, le représentant doit décider des soins médicaux à administrer conformément à la volonté présumée et aux intérêts du patient incapable de discernement. 19
Volonté présumée du patient
La volonté présumée est une notion subjective ; elle correspond à ce que le patient aurait souhaité s’il avait pu se prononcer lui-même. Le représentant devra donc tenter de reconstruire ce qu’aurait été la volonté du patient sur la base d’informations relatives à ce dernier alors qu’il était encore capable de discernement, comme les avis qu’il exprimait alors. Le représentant devra se renseigner auprès des proches du patient, de ses amis ou encore de son médecin traitant. Si elles existent, des indications écrites peuvent être utiles. Enfin, l’idéologie, les valeurs et convictions du patient, son mode de vie et ses décisions antérieures sont également une source d’information. 20
En cas d’urgence, le médecin administre les soins médicaux conformément à la volonté présumée et aux intérêts de la personne incapable de discernement. 21
Art. 10 al. 2 de la Constitution fédérale; pour les mineurs, en outre, l'art. 11 de la Constitution fédérale.
A titre d’exemple, on peut citer l’art. 40 al. 1 de la loi bernoise sur la santé publique, selon lequel les professionnels de la santé ne peuvent effectuer une mesure diagnostique, préventive ou thérapeutique que si le patient a donné son consentement après avoir été informé.
Certains auteurs utilisent la terminologie de « choix libre et éclairé », cf. Olivier Guillod, Frédéric Erard, Droit médical, 2020, p. 289.
Conseil d’éthique clinique des HUG, Capacité de discernement et autonomie du patient – Une préoccupation centrale dans le soin au patient, 2017 ; cf. complet : Regina E. Aebi-Müller, Walter Fellmann, Thomas Gächter, Bernhard Rütsche, Brigitte Tag, Arztrecht, 2e édition, Berne 2024 sur la notion de (in)capacité de discernement et sur la preuve de la (in)capacité de discernement, n. 613 ss et 659 ss.
ATF 134 II 235 Erw. 4.3.3 ; en principe, la charge de la preuve incombe à la personne qui, dans le procès, allègue l'inexistence d'une (in)capacité de discernement, selon Regina E. Aebi-Müller, Walter Fellmann, Thomas Gächter, Bernhard Rütsche, Brigitte Tag, Arztrecht, 2e édition, Berne 2024, n. 662, ainsi que sur l'évaluation de la capacité de discernement chez les mineurs, n 761 ss.
"La capacité de discernement dans la pratique médicale". Directives médico-éthiques de l'ASSM (2019). Lien.
Selon le Tribunal fédéral, la validité du consentement est conditionnée par une information adaptée à la décision à prendre et à la situation personnelle du patient, ATF 149 II 109.
Une communication déficiente peut par exemple conduire à des examens inutiles et accroit le risque de poser un diagnostic erroné. ASSM, La communication dans la médecine au quotidien – Un guide pratique, 3e édition 2022, www.samw.ch → Publications → Guides pratiques. Lien.
Art. 377 CC ; cf. art. 12 (droit de participation) Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant, RS 0.107, et art. 6 (protection des personnes n'ayant pas la capacité de consentir) Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine, RS 0.810.2.
Art. 378 al.1 du CC. Pour les patients traités dans le cadre d’un placement à des fins d’assistance, cf. chapitre 5.11. Dans ces cas, il convient de tenir compte des articles 433 et 434 CC relatifs au plan de traitement et à l’information, respectivement au traitement sans consentement.
Sarah Gros, La capacité de discernement de l’adulte en droit privé – Aspects matériels et procéduraux, Recherches juridiques lausannoises, fascicule n° 65, 2019.
Dernière mise à jour le
26.05.2025
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