La relation juridique entre un médecin et un patient peut être soumise au droit privé ou au droit public et se concrétise en divers types de contrats. La relation avec un médecin installé relève du droit privé ; il s’agit d’un contrat de soins, qui inclut également les traitements dispensés à distance (télémédecine, cf. chapitre 8.3) et équivaut à un contrat de mandat simple 1. La relation, par exemple avec un hôpital cantonal, relève du droit public. Dans ce cas, les patients concluent un contrat d’hospitalisation global avec l’institution de droit public. Des formes de contrat mixte sont également possibles (par exemple contrat d’hospitalisation divisé).
En vertu du principe de la liberté contractuelle inhérent aux rapports de droit privé, les médecins peuvent décider librement s’ils veulent ou non conclure un contrat de soins. Un tel contrat résulte déjà de déclarations expresses concordantes et se conclut en général par le simple fait qu’un patient sollicite une consultation. Dans le cadre d’un contrat de soins, les médecins sont tenus de dispenser les traitements selon les principes généralement reconnus et admis de la science médicale. Les médecins n’ont l’obligation d’accepter le mandat ou de soigner qu’en cas d’urgence (cf. art. 40 let. g de la loi sur les professions médicales [LPMéd]) ou lorsque le droit cantonal le prescrit exceptionnellement. Dans le cadre d’un contrat de soins, les médecins sont tenus de dispenser les traitements selon les principes généralement reconnus et admis de la science médicale.
Des personnes mineures ou sous curatelle capables de discernement peuvent aussi conclure valablement un contrat de soins ou un contrat d’hospitalisation 2.
La capacité de discernement n’est pas une notion médicale mais juridique, qui se réfère à un moment donné en fonction d’une décision donnée. Une personne est réputée capable de discernement lorsqu’elle est en mesure d’agir raisonnablement. Or, dans la pratique médicale, cette évaluation peut s’avérer délicate, bien que la capacité de discernement soit en principe présumée.
Diverses études montrent que les médecins, le personnel soignant et les autres thérapeutes sont souvent démunis lorsqu’il s’agit d’évaluer la capacité de discernement et souhaiteraient qu’on les y aide davantage. De nombreuses directives, lignes directrices et autres aides à l’orientation cliniques se réfèrent à la capacité de discernement sans toutefois la rendre fonctionnelle.
Dans ce contexte, l’ASSM a publié en 2019 des directives médico-éthiques intitulées « La capacité de discernement dans la pratique médicale ». 3 Celles-ci énoncent les principes à respecter lors de l’évaluation de la capacité de discernement et décrivent la procédure d’évaluation en général et dans quelques domaines médicaux spécifiques. Elles décrivent aussi le cadre juridique et les instruments relatifs à l’évaluation de la capacité de discernement.
Conformément au Code civil (CC), l’incapacité de discernement d’une personne peut reposer sur les motifs suivants : le jeune âge, la déficience mentale, les troubles psychiques, l’ivresse ou autres causes semblables qui la privent de la faculté d’agir raisonnablement 4. En ce qui concerne les enfants en bas âge, ce sont les parents qui concluent le contrat de soins ou d'hospitalisation en leur qualité de titulaires de l’autorité parentale 5. Les personnes majeures incapables de discernement sont en principe représentées par un curateur ou toute autre personne habilitée à les représenter 6.
En cas d’incapacité de discernement passagère de personnes majeures 7, et à défaut de représentant légal, le traitement est dispensé au titre de gestion d’affaires sans mandat. C’est notamment le cas lors de la perte de connaissance dans une situation d’urgence.
En vertu de l’art. 19c al. 1 CC, « Les personnes capables de discernement mais privées de l’exercice des droits civils exercent leurs droits strictement personnels de manière autonome ; les cas dans lesquels la loi exige le consentement du représentant légal sont réservés. » Or, la conclusion d’une relation de soins constitue un droit strictement personnel. Dès lors, les jeunes capables de discernement peuvent, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, conclure un contrat de soins ou d’hospitalisation sans le consentement de leur représentant légal si les coûts sont couverts par une assurance sociale ou s’il s’agit d’un traitement ordinaire et non onéreux 7. Le Tribunal fédéral affirme que les enfants et les jeunes capables de discernement peuvent conclure un contrat qui serait indispensable à l’exercice de leurs droits strictement personnels (cf. chapitre 3.8).
Le type de contrat conclu a une influence sur la manière dont s’établit le rapport entre les médecins et leurs patients. Pour les médecins, il est donc important de savoir précisément qui est la personne contractante et de veiller à ce que cela soit clair pour cette dernière également.
On peut en principe distinguer cinq formes fondamentales de contrats de relation de soins, bien qu’il existe des formes mixtes dans la pratique :
Ces cinq formes de contrat sont brièvement décrites ci-après.
La relation de soins liant les médecins en pratique privée à leurs patientes et patients est en principe régie par les dispositions du Code des obligations (CO) sur le mandat simple de droit privé 9. Un tel mandat se conclut en général par le fait que les patients demandent au médecin de les examiner ou de les soigner et qu’ils conviennent d’un rendez-vous. De la même manière que les patients peuvent choisir librement leur médecin, les médecins sont libres de choisir leurs patients. Ils ont donc aussi la possibilité de refuser un mandat de soins 10. Lorsque les médecins acceptent le mandat, ils doivent prodiguer eux-mêmes le traitement. Ils peuvent déléguer certaines tâches mineures à leurs auxiliaires, mais ils ont la responsabilité de donner à ces derniers des instructions adéquates, de tenir compte de leurs capacités et de les surveiller.
En leur qualité de mandataire, les médecins ne sont pas tenus envers leurs patients de leur faire recouvrer la santé, mais uniquement de leur dispenser un traitement à cette fin selon les règles de l’art. Cela signifie notamment que le traitement doit être médicalement indiqué et que les médecins disposent des connaissances et des aptitudes nécessaires pour le prodiguer (cf. chapitre 8.2). La volonté des patients ou des personnes qui les représentent de bénéficier d’un traitement ou d’une prise en charge spécifiques ne doit être suivie que si ces soins correspondent aux principes de la science médicale communément reconnus 11.
Le mandat porte sur l’anamnèse, l’examen, le diagnostic, le conseil, le traitement et le suivi, en ce sens que les médecins doivent informer les patients du comportement à adopter pour se conformer au traitement. Ils doivent toujours traiter les patients selon les règles de l’art afin de protéger leur vie et leur santé, faire preuve de la diligence exigée par les circonstances et répondre de tout manquement à leurs obligations. Il n’y a manquement à une obligation que si un diagnostic, un traitement ou un autre procédé médical ne paraît plus justifiable et ne relève dès lors plus de l’art médical objectif 12.
Les médecins sont tenus envers leurs patients par une obligation de les informer de manière complète. Ce n’est que si leur médecin les a correctement renseignés que les patients peuvent déterminer librement s’ils souhaitent être soignés et de quelle manière. Le médecin doit renseigner son patient de sorte que celui-ci puisse, sur la base des informations fournies, décider librement de refuser ou d’accepter le traitement. Pour pouvoir exercer leur droit à l’autodétermination, les patients doivent être en mesure de comprendre la nature de l’intervention médicale concernée 13.
En tant que mandataires, les médecins sont tenus de rendre compte en tout temps à leurs patients et de tenir un dossier médical. Le devoir de prendre des notes et de documenter le dossier résulte des lois cantonales sur la santé et du Code de déontologie de la FMH. La jurisprudence précise les exigences liées au devoir de documentation des médecins 14. Le Code de déontologie de la FMH et les lois cantonales sur la santé règlent par ailleurs la durée de l’obligation de conserver les dossiers médicaux (cf. chapitre 3.5).
Le mandat de soins peut en principe être résilié en tout temps par chacune des parties. Pour les médecins, ce principe est toutefois limité lorsqu’une telle résiliation mettrait en danger ou nuirait à la santé des patients.
Les hôpitaux publics sont détenus par des collectivités publiques. Les rapports entre hôpitaux publics et patients sont en principe régis par le droit public cantonal. La relation thérapeutique constitue soit un contrat d’utilisation de l’établissement, soit un contrat de droit administratif. Le droit cantonal de la santé pose généralement le cadre légal, tandis que les détails sont prévus dans les règlements hospitaliers et les contrats.
On parle de rapport juridique divisé dans les constellations suivantes : d’une part, lors de contrats conclus entre patients et médecinschefs, médecins agréés ou médecins consultants et, d’autre part, lors de contrats entre hôpitaux et patients. La législation cantonale sur les hôpitaux est déterminante : soit elle traite les consultations des médecinschefs comme une activité indépendante, soit elle considère les médecins-chefs comme les employés d’un hôpital même dans le cadre de leurs « consultations privées ».
L’activité médicale au sein d’un hôpital public est aujourd’hui considérée comme une tâche publique 15. La responsabilité des médecins de l’hôpital public est dès lors régie au premier chef par le droit cantonal de la responsabilité de l’État.
Dans les cas concrets, la responsabilité se détermine d’après le droit public cantonal. Il convient cependant d’examiner minutieusement la responsabilité des médecins-chefs et de déterminer notamment s’ils sont soumis au droit cantonal ou au droit fédéral privé 16. L’obligation de documenter et d’informer qui leur incombe et le consentement obligatoire de leurs patients découlent du droit cantonal régissant les hôpitaux ou la santé, de la jurisprudence et du Code de déontologie de la FMH. Alors que les dispositions cantonales peuvent prévoir des règles différentes pour le personnel des hôpitaux publics et les médecins en pratique privée, le Code de déontologie s’applique indistinctement à tous les membres de la FMH.
L’obligation de prise en charge des médecins est régie par le droit cantonal de la santé et celle des hôpitaux par un mandat de prestations conclu entre le canton et l’hôpital. L’art. 41a LAMal prévoit une obligation d’admission à la charge des hôpitaux répertoriés dans les limites de leurs mandats de prestations et de leurs capacités.
Un hôpital public étant soumis au droit public, les patients ont en principe droit à l’égalité de traitement. Les médecins compétents décident de cas en cas si les patients doivent être admis.
Dans un hôpital où exercent des médecins agréés, tant l’hôpital que les médecins agréés concluent un contrat de droit avec les patients : l’hôpital ne devient toutefois le cocontractant des patients qu’en ce qui concerne les prestations non médicales. De leur côté, les médecins agréés concluent avec les patients un contrat relatif aux prestations médicales. On parle alors de « contrat d’hospitalisation divisé ».
La délimitation entre les prestations de l’hôpital et celles des médecins permet également de restreindre la responsabilité des personnes concernées à leurs domaines respectifs. S’agissant de l’obligation de soins des médecins agréés, les mêmes principes que pour les médecins en pratique privée sont applicables, sous réserve d’un éventuel contrat entre l’hôpital et le canton (mandat de prestations).
Si les patients concluent un contrat pour leur séjour hospitalier non pas avec les médecins à titre personnel, mais avec une clinique privée, on parle alors de « contrat global de soins ». Comme dans le cas des médecins en pratique privée, le traitement médical est régi par le droit (privé) du mandat. Quant aux autres postes (soins, hébergement, pension, etc.), il convient de déterminer de cas en cas quelles bases légales ou quelles conventions s’appliquent.
Comme les cliniques sont l’unique partenaire contractuel des patients dans le cadre d’un contrat global de soins, elles répondent également en première ligne des soins médicaux. En cas de faute médicale, les patients peuvent cependant également poursuivre les médecins pour acte illicite, en plus de la clinique.
S’agissant de l’obligation de soins, les principes sont les mêmes que pour les médecins en pratique privée, sous réserve du droit cantonal ou d’un éventuel contrat entre l’hôpital et le canton (mandat de prestations).
Les pensionnaires des établissements médicosociaux concluent avec ces derniers un contrat de prise en charge qui renseigne sur les prestations fournies par l’institution dans le domaine des soins et de l’encadrement 17. Ce contrat n’inclut pas les prestations médicales. Les soins de premier recours sont dispensés soit par les médecins de l’établissement, soit par des médecins agréés, en fonction de la décision des pensionnaires. Les médecins des établissements médicosociaux peuvent être salariés ou mandataires. Leurs tâches sont définies par le contrat de travail ou la convention avec l’établissement. Le statut des médecins agréés est régi par les mêmes règles du droit du mandat que les médecins en pratique privée.
Ainsi, dans les établissements médicosociaux, on trouve aussi bien le modèle des médecins d’établissement que celui des médecins agréés. En effet, un modèle se limitant uniquement au médecin de l’institution n’est pas licite dans un tel établissement. Le libre choix du médecin est garanti dans un établissement médico-social, en tant qu’aspect de la liberté personnelle 18 . Les pensionnaires peuvent donc aussi choisir de continuer à être suivis par leur médecin de famille. Cette différence par rapport aux hôpitaux est justifiée par le fait que le séjour dans un établissement médicosocial est généralement permanent et non simplement temporaire, raison pour laquelle on accorde davantage d’importance aux besoins personnels et aux habitudes de vie de ses pensionnaires.
Le contrat de soins ou l’admission à l’hôpital génèrent des droits et des obligations pour les deux parties, à savoir pour le fournisseur de prestations comme pour les patients. Les patients ou leur assurance sont tenus de s’acquitter dans les délais d’une note d’honoraires ou d’une facture d’hôpital correctes. Il incombe également aux patients de donner aux médecins les renseignements nécessaires sur eux et les maladies dont ils sont atteints 19. Ils doivent en outre respecter le règlement intérieur de l’hôpital et les instructions du personnel et, d’une manière générale, avoir des égards envers le personnel et les autres patients.
Les créances d’honoraires de droit privé se prescrivent par cinq ans 20. Les patients doivent également remettre à leur assureur complémentaire les factures les concernant dans les cinq ans 21. Le délai de prescription, ou de péremption, des créances de droit public est réglé par le droit cantonal.
Depuis le 1er janvier 2020, les prétentions en responsabilité civile à l’encontre de médecins et de cliniques privées fondées sur un contrat de soins se prescrivent par vingt ans à compter du jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé 22. Dans le secteur public, les délais de prescription, ou de péremption, sont bien souvent plus courts (fixés par le droit cantonal ; certains cantons prévoient un court délai de péremption, qui commence à courir dès la connaissance de la faute.)
Art. 394 ss CO. Le droit suisse ne connaît pas de « contrat de traitement ou de soins » à proprement parler. Luca Oberholzer, Die ärztliche Auskunft, Zurich 2025, n. 95.
Cf. "Capacité de discernement dans la pratique médicale". Directives médico-étiques de l'ASSM (2019). Lien.
Art. 4 al. 3 et art. 5 du Code de déontologie de la FMH. Le médecin ne peut toutefois pas refuser des patients pour des motifs discriminatoires (religion, etc.).
ATF 133 III 121 ; 117 Ib 197; Iris Herzog-Zwitter, Messages clés sur le droit relatif à la responsabilité médicale, BMS 2022;103(05):132-134.
Les incombances sont des devoirs dont l’exécution ne peut pas être directement réclamée en justice. Un patient qui contrevient à une incombance n’est dès lors pas tenu de verser des dommages-intérêts, mais peut être débouté, complètement ou partiellement, de ses prétentions en dommages-intérêts à l’encontre du médecin s’il ne lui a pas communiqué une information importante.
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22.04.2025
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