10.2 Les médecins indépendants: ouverture, reprise et fermeture de cabinet

Une autorisation cantonale de pratiquer (droit de pratique) est indispensable pour ouvrir ou reprendre un cabinet médical et y pratiquer la médecine. Les conditions de reprise doivent être fixées contractuellement entre les médecins, y compris la manière dont les dossiers médicaux (DM) seront traités. Les médecins doivent en outre obtenir du canton une admission de pratique (admission à facturer) à charge de l’assurance obligatoire des soins (AOS) s’ils veulent pouvoir facturer leurs prestations à l’assurance de base.

Autorisation de pratiquer

L’exploitation d’un cabinet médical nécessite une autorisation de pratiquer (AP). Cette autorisation de police sanitaire est aussi qualifiée, dans le langage courant, d’«autorisation d’exercer » ou de « droit de pratique ». Délivrée par l’autorité sanitaire cantonale, elle habilite les médecins à pratiquer leur profession à titre d’activité économique privée sous leur propre responsabilité professionnelle. Les conditions d’obtention de cette autorisation de pratiquer figurent dans la loi sur les professions médicales (LPMéd) 1, dont l’exécution relève des cantons. Les cantons sont habilités à imposer des conditions additionnelles à celles de la LPMéd, dans la mesure où ces restrictions sont nécessaires pour garantir des soins médicaux fiables et de qualité. 2 C’est ainsi que la médecin ou le médecin devra obtenir une autorisation de pratiquer pour chaque canton dans lequel elle ou il souhaite exercer. Une révision de la LPMéd entrée en vigueur au 1er janvier 2018 3 a remplacé la notion d’exercice « à titre indépendant » avec celle d’exercice « à titre d’activité économique privée, sous sa propre responsabilité professionnelle ». Il en découle qu’un plus grand nombre de médecins, en particulier salariés, sont désormais concernés par l’obligation d’être titulaire d’une autorisation de pratique. 4 La révision de la LPMéd a en outre introduit l’obligation pour les médecins de disposer des connaissances linguistiques nécessaires à l’exercice de la profession (cf. chapitre 2.1  - 2.3), et de s’enregistrer dans le registre des professions médicales MedReg (cf. chapitre 2.2). 

Traitement des patients à charge de la LAMal, gel des admissions et numéro RCC

L’autorisation de pratiquer décrite ci-dessus, autorisation de police sanitaire visant un but de santé publique, est à distinguer de l’admission de pratiquer à charge de l’assurance obligatoire des soins (AOS), qui poursuit quant à elle un but d’économicité (admission à facturer). Sans cette dernière, les médecins peuvent pratiquer leur profession mais ne sont pas habilités à facturer leurs prestations à l’assurance obligatoire des soins (LAMal). En pareil cas, seules les assurances privées, l’assurance-accidents, l’assurance-invalidité ou l’assurance-militaire acceptent de couvrir leurs prestations. La nécessité de disposer d’une admission à facturer découle du gel des admissions, prévu à l’art. 55a LAMal. De plus amples informations figurent à ce propos dans le chapitre 2.1

Outre l’admission à facturer, les médecins doivent également obtenir un numéro RCC (RCC = registre des codes­créanciers) conformément à la convention­cadre LAMal conclue entre la FMH et santésuisse. 5 Le numéro RCC n’est certes qu’un simple numéro technique facilitant la facturation, mais selon le Tribunal fédéral, lorsqu’elle attribue un numéro RCC santésuisse assume une obligation de droit public des assureurs-maladie de vérifier les conditions auxquelles les médecins peuvent facturer ses prestations à l’AOS. Pour cette raison, le Tribunal fédéral considère que le tribunal arbitral des assurances est compétent pour statuer sur les litiges opposant santésuisse aux fournisseurs de prestations LAMal auxquels santésuisse a refusé d’attribuer un numéro RCC. 6

Reprise d’un cabinet médical 7

La reprise d’un cabinet médical doit faire l’objet d’un contrat entre la médecin ou le médecin qui cède son cabinet et la médecin ou le médecin qui le reprend. Les termes de l’accord doivent être clairement définis par les parties. A cette fin, il leur est conseillé de dresser un inventaire des équipements du cabinet, des instruments et des médicaments repris.

Lors de la détermination du prix d’achat du cabinet, il convient de distinguer l’évaluation de l’inventaire et le goodwill. Alors que l’inventaire peut être évalué sur la base de critères objectifs, il n’existe aucune solution reconnue concernant le goodwill, auquel s’appliquent les lois du marché. Une expertise peut toutefois servir de base de discussion aux parties et faciliter la conclusion du contrat.

Les contrats de travail conclus avec le personnel employé par le cabinet continuent en principe de déployer leurs effets. 8 Si la partie reprenant le cabinet ne souhaite pas poursuivre avec le personnel, la partie cédante doit résilier les contrats de travail du personnel avant toute reprise, en respectant les délais de congé contractuels. Il faut veiller à ce que les rapports de travail soient terminés avant la date de de la reprise du cabinet. Si les collaborateurs refusent de continuer à travailler pour la médecin ou le médecin reprenant, ils doivent résilier les rapports de travail en respectant les délais légaux. Alternativement, les collaborateurs et la partie cédante peuvent, d'un commun accord, mettre fin aux rapports de travail au moment de la repise. Enfin, si la nouvelle médecin ou le nouveau médecin souhaite reprendre le personnel, il s’agira de vérifier que les salaires sont à jour au moment de la reprise, car la partie qui reprend répond de leur paiement solidairement avec la partie cédante. 9

Lorsque les locaux occupés par le cabinet sont loués, le transfert du bail nécessite l’accord écrit de la bailleuse ou du bailleur, qui ne peut cependant refuser son accord que pour des motifs importants. 10

En cas de remise du cabinet médical en raison de cessation d’activité de la médecin ou du médecin cédant, les mandats thérapeutiques confiés par les patients prennent fin. La médecin ou le médecin qui reprend le cabinet ne peut dès lors avoir accès aux DM que la médecin ou le médecin cédant lui transfère, qu’avec l’accord des patients et en concluant une nouvelle relation contractuelle. 11

Dans cette situation, le principe dit « des deux armoires » permet de garantir le respect du secret professionnel et la sécurité. La « première armoire » renferme les DM des patients ayant consenti, sous une forme ou sous une autre, à la reprise de leur dossier et à un nouveau mandat thérapeutique avec la nouvelle ou le nouveau thérapeute. Ce consentement prend en général la forme d’un rendez­vous que les patients fixent avec la nouvelle ou le nouveau prestataire de soins. La partie cédante peut également faire une mention explicite de l’accord des patients dans le dossier médical, par exemple lors d’une des dernières consultations. La « seconde armoire » contient les DM des patients qui n’ont pas encore consenti au transfert de leur dossier et de la relation thérapeutique vers la médecin ou le médecin qui reprend le cabinet. Les mêmes règles s’appliquent en principe à la tenue électronique du DM (cf. chapitre 3.5). Les médecin repreneurs doivent s’assurer que les données et leurs supports ne soient pas endommagés, et qu’aucune personne n’y ait accès sans y avoir été autorisée pendant la durée de l’obligation légale de conserver les données.

En cas de décès de la personne détentrice du cabinet et donc de cessation d’activité, les héritières et les héritiers font face à toute une série d’obligations administratives. 12 Il s’agit non seulement d’informer rapidement l’autorité cantonale de surveillance (généralement la direction cantonale de la santé) mais aussi de résilier les contrats en cours (contrat de bail, contrat de travail du personnel du cabinet, etc.) et de le faire au moment opportun. De plus, seule une personne soumise au secret médical pourra informer la patientèle (par exemple l’assistante médicale ou l’assistant médical de la personne décédée), les héritières et les héritiers n’ont en effet pas accès aux dossiers médicaux (cf. chapitre 3.5).

La FMH recommande dans ces cas de prendre rapidement contact avec la Société cantonale de médecine et l’autorité cantonale de surveillance.

Le cabinet médical en tant que personne morale 13

L’essor des cabinets de groupe implique des formes d’organisation plus complexes que par le passé, et pose la question de la structuration des cabinets médicaux sous la forme de personnes morales (avant tout sociétés anonymes ou sociétés à responsabilité limitée).

La LAMal a ancré dans le droit fédéral le principe selon lequel les médecins ont le droit d’exploiter des centres HMO et autres institutions de soins ambulatoires dispensés par des médecins 14. En effet, l’art. 36a LAMal est également applicable aux personnes morales qui emploient des médecins sans pour autant être organisées sous forme de centre HMO 15. Aujourd’hui, la majorité des cantons autorisent les médecins à organiser leurs cabinets médicaux sous la forme de sociétés de capitaux. En pratique, il convient toutefois de se renseigner auprès de la direction cantonale de la santé et d’examiner soigneusement les avantages et les inconvénients des différentes formes juridiques possibles. Divers facteurs jouent un rôle à cet égard: le nombre de médecins participant à la structure, les possibilités et les conditions juridiques (cantonales), les souhaits et les objectifs personnels des médecins (par exemple le travail à temps partiel), les aspects fiscaux, les assurances, la prévoyance, le fait de vouloir être salarié 16 ou indépendant, etc. A ce propos, le Tribunal fédéral a considéré, dans un cas d’espèce que l’utilisation de l’infrastructure d’un cabinet par un psychologue peut aller de pair avec une activité à titre dépendant et ce en raison de la qualification juridique du statut AVS. 17

Chaque structure de cabinet étant différente, FMH Services 18 propose un réseau de conseillers dans les secteurs fiduciaire, financier, juridique et dans le domaine des assurances.

1

Art. 36 LPMéd.

2

Art. 37 LPMéd.

3

RO 2015 5081, 2017 2703; FF 2013 5583.

4

Voir à ce propos Thomas Gächter, Gregori Werder, Gesundheitsberufe 2020 – eine stille Revolution?, Pflegerecht 2019, p. 2.

5

Sur mandat de santésuisse, SASIS SA (filiale de santésuisse) a la compétence d’attribuer les numéros RCC dans toute la Suisse. www.sasis.ch → RCC → demande. Lien.

6

ATF 132 V 303.

7

La FMH met gratuitement à la disposition de ses membres une série de contrats-types relatifs à l’ouverture et à la reprise de cabinets sur la plateforme myFMH.

8

Art. 333 Code des obligation (CO).

9

Art. 333 al. 3 CO.

10

Art. 263 al. 2 CO.

11

En reprenant les dossiers médicaux (DM), la nouvelle ou le nouveau propriétaire du cabinet reprend également l’obligation de les conserver.

12

Katarina Sigrist, Lorsque le détenteur d’un cabinet décède, BMS  2018;99(28–29):948–950. 

13

Voir à ce propos Gächter Thomas, Rütsche Bernhard, Gesundheitsrecht, 5e édition, Bâle 2023, n. 285 ss.

14

Art. 36 et 36a LAMal.

15

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_701/2008 du 20 avril 2009, cons. 4.3.

16

L'Organisation aura son propre numéro RCC, les médecins y intervenant ayant généralement un numéro C (numéro de contrôle).

17

ATF 144 V 111. Aus Erwägung 6.4: «verschiedene Kriterien auf, die überwiegend zugunsten einer unselbständigen Tätigkeit sprechen. Dies betrifft - unter gänzlicher Ausklammerung des spezifischen Unternehmerrisikos (vgl. dazu E. 6.2.2 hievor) - das Auftreten in "eigenem" Namen nur unter dem Briefkopf des Instituts oder als Mitglied seines Klinischen Teams, die weitgehende betriebswirtschaftliche, persönliche und wissenschaftlich-konzeptuelle Einbindung der Versicherten sowie die Ausgestaltung der diesbezüglichen Kontrolle. Im Rahmen einer Gesamtbetrachtung belegen diese Merkmale ein Abhängigkeits- und Unterordnungsverhältnis, weil den gegenläufigen Aspekten des Inkasso- und Delkredere-Risikos, der freien Patientenannahme und Preisgestaltung sowie des Verzichts auf ein Konkurrenzverbot auch vereint deutlich weniger Gewicht beizumessen ist. Jedenfalls vermögen sie das Pendel nicht in Richtung selbständige Erwerbstätigkeit ausschlagen zu lassen.»

18

www.fmhservices.ch → ouverture de cabinet. Lien.


Dernière mise à jour le 22.04.2025

Zitiervorschlag: Leitfaden SAMW FMH, Rechtliche Grundlagen im medizinischen Alltag, Teilkapitel …


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