1.4 Survol et évolution du droit suisse de la santé

Une première série de lois régissant le domaine de la santé a été édictée à la fin du XIXe siècle. Depuis les années 1990, les questions liées à la santé sont très présentes en politique et dans les médias, ce qui a provoqué une vague législative, qui perdure encore aujourd’hui.

Dans un premier temps, pendant la seconde moitié du XIXe siècle, le législateur a édicté les lois sur l’exercice des professions médicales (1877), sur les épidémies (1886) et sur les denrées alimentaires (1905). Après l’introduction de la loi fédérale sur l’assurance en cas de maladie et d’accidents (LAMA) 1 et de la loi sur la tuberculose (1928), il a semblé, pendant longtemps, se tenir délibérément à distance des thèmes du droit médical.

C’est pourquoi les directives médico-éthiques de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) ont constitué pendant longtemps l’unique référence des médecins. Avec le Code de déontologie de la FMH, elles restent aujourd’hui encore un élément important du droit médical, notamment lorsque le législateur n’a pas encore édicté de solution propre ou que cette solution est très générale.

Depuis les années 1990, le législateur tient un rôle toujours plus actif dans le domaine de la santé. Pour l’heure, la vague législative ne semble pas près de prendre fin : la LAMal est en révision quasi permanente 2  tandis que de nouvelles lois spéciales continuent de voir le jour.

Parmi les principales lois relatives à la santé, nous pouvons notamment citer les actes suivants 3 :

  • la loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux (loi sur les produits thérapeutiques, LPTh) réglemente l’utilisation des produits thérapeutiques. Elle vise à garantir la mise sur le marché de produits thérapeutiques de qualité, sûrs et efficaces en vue de protéger la santé de l’être humain et des animaux (cf. chapitre 4.4) ;
  • la loi fédérale sur la procréation médicalement assistée (LPMA) fixe les conditions de la pratique de la procréation médicalement assistée des êtres humains (cf. chapitre 5.2) ;
  • la loi fédérale relative à la recherche sur les cellules souches embryonnaires (loi relative à la recherche sur les cellules souches, LRCS) fixe les conditions régissant la production de cellules souches embryonnaires humaines à partir d’embryons humains surnuméraires et l’utilisation de ces cellules à des fins de recherche (cf. chapitre 6.8) ;
  • la loi fédérale sur les conditions et la procédure régissant la stérilisation de personnes (loi sur la stérilisation) règle les conditions auxquelles une stérilisation est autorisée à des fins contraceptives, ainsi que la procédure applicable (cf. chapitre 5.4) ;
  • la loi fédérale sur la transplantation d’organes, de tissus et de cellules (loi sur la transplantation) fixe les conditions dans lesquelles des organes, des tissus ou des cellules peuvent être utilisés à des fins de transplantation (cf. chapitre 5.6) ;
  • la loi fédérale sur l’analyse génétique humaine (LAGH) règle les conditions auxquelles des analyses génétiques et prénatales humaines peuvent être réalisées (cf. chapitre 5.1) ;
  • la loi fédérale relative à la recherche sur l’être humain (LRH) vise à protéger la dignité, la personnalité et la santé de l’être humain dans le cadre de la recherche (cf. chapitre 6.2) ;
  • la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme (loi sur les épidémies, LEp). Sur la base des enseignements tirés de la pandémie de Covid-19, le Conseil fédéral souhaite être mieux préparé à une prochaine crise sanitaire et a mis en consultation en novembre 2023 un projet de révision de la LEp (cf. chapitre 5.5) ;
  • la loi fédérale sur les professions médicales universitaires (loi sur les professions médicales, LPMéd) règlemente la formation universitaire, la formation postgraduée, la formation continue et l’exercice des professions médicales universitaires. Le registre des professions médicales accessible publiquement a été créé sur la base de la LPMéd (cf. chapitres 2.1 et 2.2) ;
  • la loi fédérale sur les professions de la santé (LPSan) règle de manière uniforme pour toute la Suisse les exigences en matière de formation et d’exercice autonome de sept 4 professions de la santé ;
  • la loi fédérale sur le dossier électronique du patient (LDEP) définit les conditions-cadres régissant l’introduction du dossier électronique du patient (DEP). Afin d’accélérer la diffusion du DEP, le Conseil fédéral a lancé en 2023 une révision complète de la loi, qui prendra plusieurs années (cf. chapitre 3.7) ;
  • la loi fédérale sur l’enregistrement des maladies oncologiques (LEMO) définit les règles applicables aux registres cliniques et ne concerne pas uniquement les maladies oncologiques 5  (cf. chapitre 6.4) ;
  • la loi fédérale sur la radioprotection (LRaP) a pour but de protéger l’homme et l’environnement contre les dangers dus aux rayonnements ionisants. Elle s’applique à toutes les activités, à toutes les installations, à tous les événements et à toutes les situations qui peuvent présenter un danger lié à des rayonnements ionisants (cf. chapitre 4.10) ;
  • la loi fédérale relative à l’encouragement de la formation dans le domaine des soins infirmiers est entrée en vigueur le 1er juillet 2024. L’initiative « Pour des soins infirmiers forts (initiative sur les soins infirmiers) » a été acceptée par une nette majorité de la population le 28 novembre 2021. L’article 117b de la Constitution fédérale demande que la Confédération et les cantons reconnaissent et encouragent les soins infirmiers comme une part importante des soins de santé. Le Parlement a adopté la nouvelle loi fédérale le 16 décembre 2022.

Dans le domaine de la loi sur l’assurance-maladie (LAMal), un grand nombre de modifications ont eu lieu, avec un impact souvent important sur la pratique médicale :

  • la mise en œuvre du nouveau financement hospitalier (2007, en vigueur depuis 2012) marque l’introduction des Diagnosis Related Groups (DRG) et met les hôpitaux publics et les cliniques privées sur un pied d’égalité en matière de financement. Du point de vue économique, les cantons sont passés de gestionnaires d’hôpitaux à acheteurs de prestations. 
  • Après le rejet du projet de Managed Care en juin 2012, le moratoire sur l’installation des médecins de 2002 (clause du besoin) a été prolongé à plusieurs reprises. Lors de la session d’été 2020, le Parlement a finalement créé une nouvelle solution pérenne pour l’admission des médecins autorisés à pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins (AOS). Les modifications sont entrées en vigueur de manière échelonnée (cf. chapitre 2.3) 6 .
  • Le 2 juillet 2019, le Parlement a adopté la révision « LAMal. Renforcement de la qualité et de l’économicité » 7 . Les nouveaux art. 58 ss LAMal entrés en vigueur le 1er avril 2021 visent une amélioration systématique et structurée de la qualité. Depuis le 1er avril 2022, les fournisseurs de prestations et plus exactement les médecins sont tenus par la loi de mettre en œuvre des mesures de développement de la qualité. Les conditions générales régissant le développement et la mesure de la qualité sont fixées par des conventions élaborées conjointement entre les fédérations des fournisseurs de prestations et des assureurs. Pour le domaine stationnaire, le Conseil fédéral a approuvé, le 22 mai 2024, la convention qualité entre H+ et les faîtières des assureurs . La convention de qualité entre la FMH et les assureurs est en cours d'élaboration. 
  • Le 21 août 2019, le Conseil fédéral a transmis son message relatif au projet de révision « LAMal. Mesures visant à freiner la hausse des coûts – 1er volet » 8  au Parlement qui l’a scindé en deux parties (volets 1a et 1b). Six mesures du volet 1a sont entrées en vigueur le 1er janvier 2022 et le 1er janvier 2023  9 . Le volet 1b, adopté le 30 septembre 2022 par les Chambres fédérales, comprend quatre mesures entrées en vigueur le 1er janvier 2024 10 .
  • Le 7 septembre 2022, le Conseil fédéral a adopté le message relatif à la modification de la LAMal concernant les mesures visant à freiner la hausse des coûts – 2e volet. Le projet est en cours d’examen au Parlement.
  • Le financement uniforme des prestations ambulatoires et hospitalières (EFAS) est une des réformes les plus complètes et les plus importantes du système de santé depuis l’introduction de la LAMal.  Le projet au Parlement depuis 14 ans a finalement été accepté lors d'une votation populaire.  À partir du 1er janvier 2028, toutes les prestations ambulatoires et stationnaires de l’assurance obligatoire des soins (AOS) seront financées par les assureurs et les cantons selon une même clef de répartition. À partir du 1er janvier 2032, les prestations de soins seront également financées selon cette nouvelle clef de répartition.

Nombre de dispositions légales ayant un champ d’application général sont également déterminantes pour la pratique médicale. En voici les principales :

  • la loi suisse sur la protection des données (LPD) 11 , dont la révision entrée en vigueur le 1er septembre 2023, a été déclenchée par l’adoption du nouveau Règlement général de l’UE sur la protection des données (RGPD) 12 . Les lois cantonales sur la protection des données sont déterminantes pour les hôpitaux publics (cf. chapitre 7.2) ;
  • les dispositions concernant le droit de la protection de l’adulte dans le Code civil (CC ; précédemment : droit de la tutelle), entré en vigueur en 2013, et notamment les nouvelles réglementations concernant les directives anticipées, la représentation dans le domaine médical et les placements à des fins d’assistance (cf. chapitre 3.9) ;
  • les dispositions du droit des obligations concernant le mandat 13 qui s’appliquent au contrat de soins cf. chapitre 1.3) ;
  • les règles générales du Code des obligations (CO) 14 relatives au droit de la responsabilité civile qui déterminent les conditions et l’étendue des droits à des dommages­intérêts à l’encontre des professionnels de la santé (cf. chapitre 8.2).

Le Conseil fédéral et le Parlement se sont déjà emparés de plusieurs autres sujets pour lesquels ils n’ont pas légiféré pour l’instant.

En dépit de plusieurs interventions parlementaires sur l’aide au suicide, le Conseil fédéral a jusqu’à présent renoncé à une réglementation explicite, notamment en ce qui concerne l’assistance au suicide organisée. Dans l’une de ses réponses, il a souligné que les directives médico-éthiques de l’ASSM « Attitude face à la fin de vie et à la mort » contribuaient à clarifier certaines questions, comme celles soulevées par le Programme national de recherche « Fin de vie » (PNR 67)  15

Le Conseil fédéral a proposé de rejeter un postulat déposé dans le contexte de la pandémie de Covid lui demandant de montrer comment les bases légales pourraient être modifiées pour réglementer les décisions de tri dans les hôpitaux. Il a motivé sa décision en précisant que les directives de l’ASSM « Mesures de soins intensifs », bien que juridiquement non contraignantes, constituaient une base solide et suffisante pour procéder à de telles décisions  16 . Le postulat a néanmoins été transmis à l’OFSP où il est en cours de traitement.

En réaction à une motion demandant l’interdiction des interventions d’assignation sexuelle sur des personnes incapables de discernement, la Commission des affaires juridiques du Conseil des États a chargé le Conseil fédéral de veiller à ce que l’ASSM élabore des directives sur l’attitude à adopter face aux variations du développement sexuel plutôt que de procéder à une adaptation de la loi. Les organisations des personnes concernées devront impérativement être impliquées dans le processus 1 7.

Actuellement, le droit fédéral ne prévoit aucun cadre juridiquement protégé pour les mesures d’assurance qualité, en particulier les Critical Incident Reporting Systems (CIRS). Le rapport établi en 1999 par le NIH aux USA 18 montre déjà la nécessité d’une telle réglementation, que la Suisse appelle également de ses vœux depuis 2001 19 . Le besoin de légiférer a été réitéré par un arrêt du Tribunal fédéral rendu en 2016 20  (cf. chapitre 6.4).

En ce qui concerne la régulation de l’intelligence artificielle (IA), le législateur est plus frileux que l’UE 21. Même si l’IA peut se développer dans le cadre de la législation existante, il n’en reste pas moins utile de vérifier si ces réglementations couvrent tous les défis actuels et futurs liés à l’IA. Le 12 février 2025, le conseil fédéral a fait un état des lieux sur la réglementation de l'intelligence artificielle: La Suisse doit ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur l'intelligence artificielle (IA) et apporter les modifications nécessaires dans le droit national. Il faut en outre poursuivre les activités de réglementation de l'IA dans différents secteurs, tels que la santé ou les transports.  D'ici fin 2026, un projet de consultation sera élaboré. 22  (cf. chapitre 6.7).

1

La LAMA est entrée en vigueur en deux temps : l’assurance-maladie (AM), le 1er janvier 1914, et l’assurance-accidents (AA), le 1er janvier 1918.

2

Une modification importante de la LAMal est entrée en vigueur le 1er juillet 2021 et le 1er janvier 2022 avec un impact considérable pour le corps médical. Elle vise à limiter l’admission des médecins à pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins dans le domaine ambulatoire et à introduire de nouveaux critères d’admission ainsi qu’une procédure d’admission formelle relevant de la compétence des cantons.

3

Le droit d’exécution (ordonnances) relatif aux différentes lois n’est pas mentionné, mais il est bien sûr tout aussi important.

4

Personnel infirmier, physiothérapeutes, ergothérapeutes, sages-femmes, diététiciennes et diététiciens, optométristes, ostéopathes.

5

www.bag.admin.ch → Lois & autorisations → Législation → Législation Santé humaine → Législation sur l’enregistrement des cancers. Lien.

6

www.parlement.ch → Objet du Conseil fédéral n° 18.047 « LAMal. Admission des fournisseurs de prestations ». Lien. 

7

www.admin.ch➝ Droit fédéral➝ Feuille fédérale ➝ FF 2019 4293. ​​​​​Lien..

8

www.ofsp.admin.ch → Assurances → Assurance-maladie → Projets de révision en cours → 1er volet de mesures visant à maîtriser les coûts. Lien.

9

Copie de la facture pour les assurés, organisation tarifaire nationale, montant maximal de l’amende, promotion de forfaits ambulatoires, transmission des données dans le domaine des tarifs et introduction de projets pilotes visant à freiner la hausse des coûts. Lien.

10

Mesures des partenaires tarifaires visant à surveiller les coûts, droit de recours des fédérations d’assureurs, simplification de l’étiquetage et de l’information sur les médicaments dans le cas des importations parallèles, droit des pharmaciens de remettre des médicaments meilleur marché. Link.

11

www.edoeb.admin.ch → Protection des données → Bases légales protections des données → Bases légales internationales → le règlement général sur la protection des données de l’Union Européenne. RGPD. Lien.

12

www.parlement.ch → Objet du conseil fédéral n° 17.059 « Loi sur la protection des données. Révision totale et modification d’autres lois fédérales ». Lien.  En vigueur depuis le 1er septembre 2023. Lien.

13

Art. 394 ss CO.

14

Art. 41 ss CO.

15

18.3555. « Aide au suicide en Suisse. »​​​​​​​ Lien.

16

23.3496. « Bases légales et protection contre la discrimination lors du tri des patients et des patientes pour l'accès aux soins intensifs. »​​​​​​​ Lien.

17

23.3967. « Amélioration du traitement des enfants nés avec une variation du développement sexuel (VDS). »​​​​​​​ Lien.

18

www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25077248. Lien.

19

cf. Hanspeter Kuhn, « Congress should pass legislation to extend protections… », BMS 2001, p. 1394 ss.​​​​​​​

20

Arrêt du Tribunal fédéral 1B_289/2016 du 8 décembre 2016: Le Tribunal fédéral a permis l’accès des autorités de poursuite pénale aux notifications faites dans un CIRS et leur utilisation en procédure pénale.

21

Le règlement européen sur l’intelligence artificielle (IA) est entré en vigueur le 1er août 2024 ; www.commission.europa.eu ➝ Actualités et médias ➝ News➝ Entrée en vigueur du règlement IA. Lien.

22

Cf. Communiqué du Conseil fédéral, details sur le site de l'office fédéral compétent lien ainsi que Information du PPDT.



Dernière mise à jour le 04.06.2025

Zitiervorschlag: Leitfaden SAMW FMH, Rechtliche Grundlagen im medizinischen Alltag, Teilkapitel …


Contact

FMH, organisation professionnelle

FMH
Secrétariat général
Elfenstrasse 18, case postale
3000 Berne 16

Tél. 031 359 11 11
info
www.fmh.ch

 

Académie Suisse des Sciences Médicales<br />
Maison des Académies<br />
Laupenstrasse 7<br />
CH-3001 Berne

Académie Suisse des Sciences Médicales
Maison des Académies
Laupenstrasse 7
CH-3001 Berne

Tél. 031 306 92 70
mail
www.samw.ch

 
 

© 2025, ASSM, Académie Suisse des Sciences Médicales / FMH, Fédération des médecins suisse